lundi 18 janvier 2010

La campagne d'été


Grande manchotière
A Crozet, l’été austral commence traditionnellement en novembre pour s’achever en avril.

Pendant cette période, la majeure partie les oiseaux et mammifères marins recensés sur l’île reviennent à terre pour s’y reproduire. C’est également la période de la mue, des accouplements et des naissances. C’est donc le meilleur moment pour les observer, les étudier, ou les équiper avant qu’ils ne partent ou repartent en mer pour des séjours de plusieurs mois, voir de plusieurs années comme c’est le cas des jeunes albatros.

Dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, cette période d'effervescence donne lieu à une mobilisation générale et à une recrudescence d’activité : c’est la campagne d’été. Pendant plusieurs mois, les travaux scientifiques et techniques se multiplient et la vie sur base s'intensifie.

La campagne d'été commence traditionnellement avec OP3 :la troisième rotation annuelle du Marion Dufresne. Cette rotation confirme la vocation scientifique des bases australes française. Elle est avant tout dédiée à l'acheminement et à la relève du personnel scientifique. Ainsi entre le 23 novembre et le 26 décembre, l’effectif du personnel scientifique de Crozet est passé de 8 à 28 personnes portant l’effectif total de la mission de 24 à 44 personnes. Ce personnel scientifique est divisé en trois grandes catégories, les VCAT, les thésards, et les responsables de programmes.


§ Les VCAT, Volontaires Civils de l’Aide Techniques sont de jeunes diplômés (23-26 ans) qui suivent des parcours scientifiques mais n’ont pas forcément vocation à faire un doctorat. Ils sont les artisans des programmes scientifiques sur le terrain, dont ils assurent le bon fonctionnement pendant une année. Ce sont eux qui réalisent et la plupart des manipulations prévues. Les nouveaux VCAT de la mission 47 sont 8. La plupart sont arrivés avec OP3. Une fois sur place, ils disposent de 1 à 3 mois de passation avec leur prédécesseur avec plusieurs objectifs : mieux appréhender le contenu et le déroulement des programmes, identifier et maitriser le fonctionnement du matériel scientifique à leur disposition, reconnaître le terrain et les différents sites sur lesquels ils vont travailler, et surtout s’exercer aux manipulations qu’ils vont ensuite conduire seuls. Les sujets d’études conduits à Crozet et dans les terres australes sont peu communs. Les manipulations auxquels ils donnent lieux sont spécifiques et souvent exclusivement liées la présence des animaux sur place. La plupart des VCAT qui arrivent n’ont donc jamais travaillé sur ces sujets auparavant. En revanche, ils affichent tous de belles expériences de terrain et possèdent les compétences nécessaires pour s’adapter rapidement. Le premier mois de passation est pour eux une intense période d’apprentissage.

Passation de consignes VCAT : pg Ecobio N°136

Relevée de données : pg Ecobio N° 136

Relevée de données : pg Ecobio N° 136

§ Les thésards sont en nombre plus restreint (3- 4 maximum chaque année). Les thésards qui travaillent ici produisent leurs propres données. Cela leur confère une très bonne maîtrise de leur sujet et c’est très satisfaisant mais c’est également un très gros travail. Ils ne viennent sur le terrain que pendant la campagne d’été et pour la plupart d’entre eux seulement la première et la deuxième année de leur thèse, soit 6 à 8 mois en tout. Cette période est pour eux décisive. Toute la réussite de leur travail dépend de leur production scientifique pendant les 6 à 8 mois de ces deux campagnes d’été, ce qui leur impose un rythme forcené. Le matin, ils sont levé les premiers pour assurer des manipulations ou collecter des données. Le soir, ils sont souvent couchés les derniers pour enregistrer et vérifier la qualité de ces données, travailler un article ou encore candidater à telle ou telle conférence internationale en vue d’y présenter leurs travaux.


Thèse : pg Ecoénergie N° 119

Thèse : pg Ecoénergie N° 119


Thèse : pg Ecoénergie N° 119

§ Les responsables de programmes et enseignants chercheurs constituent la troisième catégorie de personnels scientifiques et sont principalement présents, en décembre, lors du lancement de la campagne d’été. Dans les laboratoires de métropole, leur mission première consiste souvent à trouver les financements nécessaires au fonctionnement et au développement de leurs programmes. Ils s’assurent également que ceux-ci donne lieux à des publications régulières dans les meilleures revues scientifiques internationales. Sur le terrain, ils dirigent et orientent leur programme tout en participant activement à toutes les manipulations en cours, développent de nouvelles expérimentations et fixent le cadre d’intervention des VCAT et autres « campagnards ». Les plus connus d’entre eux ont déjà hivernés au moins une fois. Ils possèdent souvent des tas d’anecdotes et leurs propos sont souvent riches d’enseignements sur les évolutions en cours. Certains d’entre eux reviennent régulièrement et sont des habitués des campagnes d’été. Pour eux, rares sont les Noël et les premiers de l’an en famille. Ils sont les rares témoins du temps qui passe ici.

Coupe géologique : pg Capgeos N° 1002

100ème échantillon : pg Capgeos N° 1002

"Manip Géol" : pg Capgeos N° 1002

Tout ce personnel est attaché à des programmes scientifiques sélectionnés par l’IPEV et autorisés par les TAAF. Ces programmes sont conduits par différents laboratoires disséminés en France. Les principaux laboratoires exerçants des activités à Crozet sont le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (79), la station biologique de Paimpont (35), l’institut pluridisciplinaire Hubert Curien et le CNRS de Strasbourg (67), le Laboratoire de Planétologie et Géodynamique de Nantes (44), le CNRS de Villeurbanne (69) et le CNRS de Villiers-en-Bois (79).

Au plan logistique, l’objet principal de la rotation de novembre est le ravitaillement de l'ensemble des arbecs et sites de bivouacs gérés par l'IPEV. Elle permet également de profiter des moyens logistiques du Marion Dufresne (hélicoptère et portière) pour effectuer les opérations de transbordement classiques (nourriture, matériels, déchets) puis réaliser des opérations spécifiques (installation d’un Marégraphe, entretien du relais radio…). Certaines opérations nécessaires sur les installations IPEV et non achevées pendant la rotation sont assurée ensuite par du personnel IPEV pendant le premier mois de la campagne. Cette année, l’équipe IPEV devait normalement monter un arbec préconstruit sur le site de « La Pérouse ». Ce dernier n’ayant pas pu, pour des raisons météorologiques, être déposé sur place pendant la rotation, le personnel s’est alors mobilisé sur d’autres travaux (bardage extérieur d’un bâtiment, consolidation et inventaire de refuge…). Autant de travaux qu’il n’est possible de réaliser que pendant la belle saison.

Consolidation Marégraphe : Personnel IPEV

Consolidation Marégraphe : Personnel IPEV


Consolidation Marégraphe : Personnel IPEV

L’été austral s’accompagne d’une amélioration significative du contexte météorologique. La température moyenne enregistrée à Crozet pendant les mois les plus chauds (février) est de 8,1°C contre 3,2°C pour les mois les plus froids (août et septembre). Au-delà de cette moyenne, il n’est pas rare que les températures atteignent 10°C avec 8 à 10h de soleil par jour. Certaines journées d’exception donnent même lieu à des records de l’ordre de 15 °C.
Pendant cette période, les précipitations sont également plus faibles. Elles passent de 225 mm en moyenne pour le mois le plus humide (août) à 152 mm pour le mois le plus sec (février). Ces conditions optimales apportent confort et sécurité. Elles permettent les travaux extérieurs et autorisent un maximum de sorties hors base. La plupart de ces sorties sont à vocation scientifique, mais pas seulement. Cette période de forte luminosité et de beau temps est aussi privilégiée pour l’organisation de sorties loisirs.

Au mois de décembre, en plein cœur de la campagne d’été, le niveau d’activité en cours sur l’ile s’est traduit par l’organisation de 33 sorties hors base dont 19 pour des programmes scientifiques et techniques. Sur ces 33 sorties, 9 se sont déroulées sur plus de 2 jours. C’est-à-dire avec au moins deux nuits en refuge ou en bivouac. Ce niveau d’activité donne lieux à de nombreux chassés croisés sur base et dans les arbecs. Il anime la base et permet un important brassage des membres de l’équipe. Les retours de manips sont de belles occasions de profiter du confort retrouvé pour les uns et de s’enquérir des trésors de l’île pour les autres. Ils donnent lieux à de joyeuses retrouvailles et à de chaleureuses soirées.

Les soirées festives constituent également un des traits marquant de la campagne d’été. La plupart des « campagnards » ne sont là que pendant un mois et ont à cœur de profiter au maximum du temps qu’ils ont sur ces terres lointaines. De leur côté, les hivernants, arrivés depuis le mois d’aout, comptabilisent déjà quatre mois de mission. Les trois premiers mois ont données lieux à de nombreuses découvertes mais à l’aube du cinquième mois, des petits groupes se forment et certaines habitudes commencent à s’installer. Le démarrage de la campagne réintroduit du sang neuf et non des moindres. Le rapport homme-femme dans la composition de l’équipe passe de 1 fille pour 11 garçons à une pour trois. Cet élément nouveau accentue encore l’effet mobilisateur de la campagne. C’est ainsi par exemple qu’on voit apparaître l’organisation de cours de salsa, impensable et impossible avant la campagne !!! L’arrivée de nouvelles têtes est l’occasion de faire des rencontres. Les nouvelles personnes s’installent et prennent leur place, de nouveaux groupes se dessinent. L’énergie nouvellement arrivée sur base se propage et apporte du cœur à l’ouvrage.

Le gros de la campagne d’été se déroule en décembre. En métropole, cette période de fin d’année est traditionnellement festive mais ici, pour l’occasion, décembre se révèle particulièrement chargé.
Le 8, nous célébrons les « un an » de présence sur l’Ile de Christophe et Florentin, deux VCAT en cours de passation. Le 10, c’est l’anniversaire de Jean Luc, le Chef infra et doyen de la mission, 50 ans ça se fête.
Le 18, avec 2 jours d’avance sur la date officielle, nous fêtons l’abolition de l’esclavage. L’île de la Réunion est notre port d’attache et la commémoration du 20/12/1848 y est incontournable. Ici l’évènement se révèle une très belle occasion de faire honneur au personnel réunionnais et de célébrer ensemble l’avènement de ce jour de gloire.
Le 24 c'est l’incontournable réveillon. Noël aussi s’avère particulièrement réussi cette année : La veillée commence par un petit concert en direct live du « CroniBar ». La représentation est assurée de mains de maître par Bruno, le gérant postal à la batterie et Christophe, notre géophy en partance, à la guitare électrique. Particulièrement réussie, elle à pour effet direct d’envoyer tout le monde sur la piste et de mettre la soirée en orbite. Le repas décalé pour l’occasion se déroule assis en rond autour du sapin chargé de cadeaux. Les « super petites maries » qui assurent le service ont travaillées leurs tenues et sont coiffée du chapeau de noël. Le repas est excellent et bien arrosé. Remi, le nouveau géner, (logisticien de l’IPEV) se révèle le père Noël du jour. Joyeusement réchauffé par l’atmosphère, il réussit une très jolie performance : remettre à chacun des 44 membres de la campagne d’été son cadeau, accompagné d’un heureux trait de caractère. Cette exceptionnelle remise des prix a pour effet de remettre tout le monde en scène pour un deuxième concert puis la soirée se prolonge non stop jusqu’au petit matin.

Christophe, Géophy 46: à la guitare

Soirée luttins pour la veillée de Noël

Bruno, gérant postal 47 : à la batterie

Salle de restaurant l'étoile australe : avant le repas de Noël

... et pendant le réveillon

Le géner père Noël de Crozet

...qui distribue patiemment ses cadeaux un a un

Le 25 est la soirée des partants. Les campagnards d’été sont à peine arrivé et Noël à peine achevé que déjà un mois vient de s’écouler. Cette soirée est l’occasion d’offrir aux « campagnards » un ultime souvenir de leur passage à Crozet, une empreinte de manchot royal avec autour la mention « Crozet été Austral 2009 » et un CD avec les plus belles photos de la campagne. Des souvenirs que chacun reçoit avec émotion. Cette dernière soirée à 44 est également l’occasion de découvrir la magnifique pièce en chocolat confectionnées par Fabrice, notre chef cuistot et ses apprentis Nelly et Xavier. La base Alfred Faure posée sur le dos d’un jeune éléphant de mer, avec des centaines de truffes et autres chocolats fins tout autour. Une surprise de taille : Incroyable. Repartie de plus belle, cette soirée est une nouvelle occasion de faire la fête toute la nuit durant. Elle marque aussi la fin de la première partie de campagne d’été. Un mois de briefing, de manip, de sorties hors bases, de travail et de festivités. Un concentré de vie australe vécu en un rien de temps.

Soirée Marion Dufresne : soirée des partants

Un souvenir pour chacun

"Crozet : été austral 2009"

Le 26, les « campagnards » au départ sont au nombre de 12. 4 VCAT prennent également le bateau. Pour eux le moment est encore plus intense. Il marque la fin de plus d’un an de présence sur base. Un moment de séparation difficile avec les derniers de la 46ème mission, qui restent encore quelques mois. Pour en rendre compte ou mieux le dépasser, ces derniers ont préparé l’évènement et se livre au traditionnel rituel de départ, messages, boisson, marquages et déguisements. Un moment de grande intensité partagé entre joie et peine, entre rires et larmes.

La base Alfred Faure sur un jeune éléphant de mer en chocolat

Tous les bâtiments de la base reproduits à l'identique

Surprise du chef: Fabrice et de ses apprentis : Jacques, Xavier et Nelly

Les 44 passagers de la campagne d'été : mission 47

Cette fois l’escale du Marion est de courte durée. Le navire met a profit une campagne océanographique qui doit se dérouler plus au sud. Le transfert des passagers n’a pas vocation à être une véritable opération logistique. Il n’y a pas de moyens héliportés et toute l’opération se déroule par voie maritime. La descente du bord se réduit à 2 passagers, la dépêche postale entrante et quelques pièces urgentes. La montée à bord porte sur 16 passagers, leurs passeports et quelques procurations de vote pour les élections régionales de mars 2010. L’opération dure 3 heures …et le Marion Dufresne reprend sa route.

Préparatifs de départ des campagnards depuis la plage

Rituels de départ pour les VCAT de la 46.

Le Marion en Vue.

Le Marion dans la baie.

Arrivée de Aurore et Vincent les nouveaux membres de la 47

La première partie de la campagne se termine ainsi, aussi rapidement qu’elle a commencé laissant derrière elles des tonnes de souvenirs et 30 personnes dont deux nouveaux arrivants, pour assurer la poursuite de la mission.

mardi 15 décembre 2009

"Manips" et sorties hors base


Il existe deux types de sorties hors base. Les travaux à caractères scientifiques : les traditionnelles « Manip » et les sorties loisirs devenue au fil du temps « Manip Loisir ».


"Manip" baguage de Grands Albatros


Les opérations à caractère scientifique sont les plus nombreuses, elles sont organisées de façons quasi permanentes. La plupart d'entre elles consistent à manipuler des animaux (baguage, mesure, pose de matériel, prise de sang...) ou des plantes (mesures, prélèvements) d'où leur nom générique de « Manip ».

Plus rares, les sorties loisirs consistent à se rendre sur différents points de l'île pendant le week-end pour profiter des lieux, s'y dégourdir les jambes, prendre l'air ou s'y reposer.


Les manipulations et les études scientifiques qui s'y rapportent constituent une des activités principales de l'ile. En dehors de la campagne d'été les scientifiques qui dirigent ces opérations sont en nombre réduit. Une personne par programme scientifique. Mesurer l'aile d'un albatros, prendre en photo le dessous des pattes d'un poussin manchot, prélever le sang d'un bonbon (bébé éléphant de mer) ou encore baguer une jeune otarie, sont des opérations délicates qu'il est difficile de réaliser seul. Pendant l'hiver, les artisans des programmes scientifiques, ont donc régulièrement besoin de secondes mains pour les aider dans leur travail. Chacun sur Crozet à donc la possibilité, s'il le souhaite, de participer à ces manipulations.


"Manip" Baguage de Grands Albatros


Avant d'arriver ici, en dehors du personnel scientifique, très peu ont déjà participé à des manipulations d'oiseaux ou de mammifères marins. Participer à ces opérations offre des occasions uniques d'approcher de près ces animaux légendaires (albatros manchots royaux, otaries) et surtout de mieux les connaître. Ces sorties permettent de fréquenter les sites et les milieux dans lesquels ces animaux évoluent et de prendre toute la mesure de leur caractère exceptionnel. Ce sont également de belles opportunités pour le personnel logistique de mieux comprendre le travail des scientifiques et mieux apprécier leur obligations et contraintes.


"Manip" Baguage de Grands Albatros


Toutes ces manips se déroulent dans le cadre de programmes scientifiques très règlementés. Elles respectent des protocoles très précis placés sous la surveillance d’un comité d’éthique. La sélection et le soutien logistique de ces programmes est assuré par L'IPEV, l'Institut Paul Emile Victor. Cette agence de moyens et de compétences à pour rôle d'offrir un cadre juridique ainsi que les moyens humains, logistiques, techniques et financiers nécessaires au développement de la recherche française dans les régions polaires. L'IPEV est le partenaire principal des TAAF sur tous ses territoires subantarctiques et antarctique.


A Crozet, 11 programmes scientifiques sont actuellement en cours.

Certains de ces programmes se déroulent essentiellement sur base et ne donnent lieu à aucune sortie. C'est le cas de la plupart des programmes consacrés aux sciences de l'Univers et en particulier des programme sismologie et géomagnétisme. Ils procèdent essentiellement de relevés et d'analyses de données captées sur sites.


D'autres se déroulent essentiellement sur la grande manchotière un kilomètre en bas de la base. C'est le cas des programmes « Ecoénergie », « Ornithothermo », « Ecophy ». Ces programmes se concentrent sur le développement des connaissances du manchot royal: relation entre ses modes comportementaux et ses dépenses d'énergie, caractéristiques biologiques et physiologique, déplacements en colonie et en mer etc. Ces programmes donnent lieux à de nombreuses manips. La plus part d'entre elles se déroulent dans les shelters de la plage (algecos dédiés aux travaux scientifiques) ou au biomar (bâtiment de la base Alfred Faure consacré à l'étude de la biologie marine).


Programme "Ecoénergie"


Programme "Ecoénergie"

Programme "Ecoénergie"

Programme "Ecoénergie"


Participer à ces manipulations permet de suivre l'évolution de la colonie et de mesurer les changements qui s'y opèrent. A notre arrivée les manchots royaux adultes n'étaient que quelques centaines. La plupart étaient partis en mer pour se nourrir. Les poussins livrés à eux même étaient regroupés en crèches. Tous étaient très vulnérables aux attaques des pétrels géants. Nombre d'entre eux y ont succombé.


Depuis le début du mois d'octobre les adultes reviennent de leur campagne de pêche en mer. Les poussins sont nourris et finissent leur croissance. Ils grandissent et grossissent a vue d'œil. Les plus précoces d'entre eux commencent même à perdre leur duvet tout marron pour laisser place à leur plumage de jeune premiers. C'est également la période a la quelle les adultes refont leurs plumage. Par endroit la « Grande Manchotière » est recouverte de plumes et les adultes muant prennent des allures incroyables.


Ces manipulations offrent également de belles occasions de se familiariser avec certains des individus de la colonie. On y apprend par exemple que L11, un des poussins observé dans le cadre du programme N°137 est né tardivement et qu'il fait partie des 4 survivants de l'échantillon de 20 poussins de son âge suivis régulièrement depuis leur naissance.

Au delà de la plage, plusieurs programmes scientifiques conduisent des études en différents points de l'île de la Possession. C'est plus particulièrement le cas des programmes N°109 "Ecologie des Oiseaux et Mammifères Marins" et N° 136 « Ecobio ». Ces programmes donnent lieux à de nombreuses sorties hors base et à de fréquentes manipulations.


La plupart de ces manips ont lieux sur des sites exceptionnels. Certains sites abritent des espèces vulnérables et donc protégées (Gorfou sauteur, Gorfou macaroni, Grand albatros, Pétrels à menton blanc); d'autres hébergent de très forte densité de population (jusqu'à 60 tonnes d'oiseaux au km2). A titre d'exemple la manchotière du Jardin Japonais héberge 33000 couples de manchots royaux reproducteurs.


Petite manchotière de Baie Américaine


Tapis de plume à Baie US


Muants à BUS


Dans la Réserve Naturelle des TAAF qui inclue l'ensemble de l'archipel de Crozet, ces sites font l'objet d'une attention particulière. Ils sont classés sites réservés a la recherche scientifique et techniques. En conséquence l'accès et la fréquentation y sont règlementés et limités.

Les autorisations d'accès à ces sites sont délivrées par le Préfet, Administrateur Supérieur des TAAF. Elles sont accordées annuellement pour chacun des programmes concernés à raison d'un nombre limité de passages, de journées de fréquentation et de personnes. Ces limites sont fixées sur la base de protocoles d'études soumis à l'acceptation des TAAF sur avis du Comité de l’Environnement polaire (CEP) et du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN).

Chaque manip organisée sur ces sites donne donc lieux à une demande préalable autorisée par le chef de district qui vérifie le respect de ces arrêtés préfectoraux.


Au delà des autorisations règlementaires, l'accès a ces différents sites et le déroulement des sorties hors bases en général sont soumis au respect d'une procédure interne dédiées à la sécurité des personnes. Cette procédure fixe le nombre de personnes minimum qui doivent composer une sortie en fonction de la zone de destination. Elle fixe les conditions de préparation d'une sortie, elle défini les responsabilités du responsable de la sortie, elle pointe les équipements de sécurité à emporter, elle identifie les modes de communication radio ou téléphone satellite à utiliser. Enfin elle prévoit les conditions d'envoi d'une équipe de secours en cas d'accident ou de silence radio.


Les L'ile de la Possession s'étend sur 18 Km d'Est en Ouest et sur 15 Km du nord au sud. Elle couvre une superficie de 146 Km2. Son point culminant, le pic du Mascarin s'élève à 934 mètres. Les empératures oscillent entre – 5°C et + 15°C avec une moyenne située autour de 5°. Les précipitations neigeuses sont fréquentes mais faibles et passagères. L'île est rarement recouverte de neige et ne possède pas de glacier. A première vue ces éléments ne présentent pas de caractère extrême.


Pour autant toute sortie hors base effectuée ici s'apparente a une sortie montagne. Le relief y est accidenté et n'offre pas d'abris. Il n'y a pas d'arbre ni aucun arbuste à Crozet. Les rochers d'origines volcaniques sont irréguliers et abrasifs. Les sols rocailleux constituent des terrains de progression difficiles. Les crêtes sont très exposées aux vents et les vallées humides sont chargées de souilles. Ces vallées magnifiques sont d'ailleurs l'objet de toutes les attentions et il convient de ne pas s'y enfoncer sous peine d'altérer leur fragile tapis de mousse.


Contact radio à la sortie de la Malpassée


Crête du Styx


Lac perdu

La Tour Blanche


Le Col des Moines


Les précipitations sont abondantes (2500mm par an) et fréquentes (300 jours de pluies par ans). Leur intensité va de paire avec les vents qui les transportent. Les vents dominants de secteurs ouest y sont quasi permanents et régulièrement violents (100 jours par an à + de 100km). Ils provoquent des changements rapides de météorologie.

Située par 46°Sud entre les 40ème rugissant et les 5Oeme hurlants, l'archipel de Crozet essuie une succession ininterrompue de dépressions. Compte tenu de la rapidité des enchainements, il n'est pas rare de voir successivement du soleil du brouillard de la pluie et puis de la neige dans la même journée. Nous sommes coutumiers ici des quatre saisons en un jour.


Réaliser une sortie hors base dans ces conditions suppose donc d'être particulièrement bien équipé et paré à toutes les éventualités. Contrairement à ce qu'on pourrait croire le Pancho trop fragile au vent n'est pas le meilleur allié du Crozetien. L'équipement idéal est le sur pantalon et la veste montagne en gore tex épais. Même s'ils sont traversés par la pluie dans les épisodes les plus violents ils restent les meilleurs alliés de sortie.


Les bottes constituent ensuite la priorité N°2. Elles sont les seules capables de garantir une étanchéité parfaite dans les souilles comme dans les rivières. Elles sont également idéales pour toutes les manips effectuées sur plage. Les terres australes forment traditionnellement deux écoles de randonneurs. Ceux abonnées aux bottes sont les plus nombreux. Ils mettent l'accent sur l'étanchéité et sacrifient le confort de la marche. Les autres plus traditionalistes utilisent le doublé chaussure de randonnée plus guêtre. Ce tandem est moins efficace dans les rivières mais cela permet de conserver de meilleurs appuis dans les parties rocailleuses et surtout, une meilleure tenue du pied et de la cheville. Chacun son clan selon le choix.


Pour le reste, les bâtons de marches sont souvent très appréciés, surtout en cas de vent violent. Lorsque la pluie glacées vient s'ajouter aux rafales, les lunettes de protection du type masque de ski sont un bon atout. Les sacs poubelle pour le change et le duvet constituent la seule véritable protection contre les infiltrations à l'intérieur du sac a dos. En cas de brouillard (100 jours par an) le GPS avec les points clef de l'Ile devient rapidement indispensable.


Le plus surprenant est l'utilisation des raquettes à neige. Pour traverser les parties de vallées recouvertes de tourbières les hivernants ont longtemps hésites entre bottes et chaussures en prenant garde à leur confort mais sans mesurer d'avantage la marque de leur passage. Au fur et à mesure des années certains transits effectués régulièrement se sont trouvés durablement endommagés par les marques profondes faites par ces passages.


Transit abimé vers Baie Américaine



Tapis de mousse vierges vers Pointe Basse


Utilisation de raquettes vers Jardin Japonais


Depuis quelques années une idée nouvelle est apparue. Elle consiste à utiliser de raquettes a neige pour traverser les passages de mousses végétales les plus fragiles. L'utilisation des raquettes répartie le poids de l'individu sur le tapis végétal et permet de réduire les marques. C'est surprenant mais incroyablement efficace.

Depuis cette année pour certains transits nous utilisons donc régulièrement des raquettes à neiges.


Une sortie hors base n'est pas une vraie sortie hors base si elle n'inclue pas au moins une nuit sous tente ou en arbec. Les arbecs sont les refuges des terres australes. L'ile de la possession compte deux arbecs et deux sites de bivouac.

L'arbec le plus près se situe sur la plage de la Baie Américaine, aussi appelée baie U.S ou BUS. BUS se situe a 2H30 de marche de la base, au milieu d'un paysage exceptionnel. La plage ou se trouve le refuge héberge une petite colonie de manchots royaux (principalement des muant) mais surtout au mois d'octobre elle est envahie par les éléphants de mer qui viennent ici pour se reproduire. Elle offre alors un spectacle incroyable qui donne lieux aux plus brillants commentaires.


Refuge de Baie Américaine par temps de neige


Réparation du groupe à BUS


Le second se situe à Pointe Basse à proximité de l'extrême nord de l'ile dans une zone réservée à la recherche scientifique et technique. Le transit vers pointe basse se fait en 6H00. Il nécessite de passer plusieurs crêtes.

Les arbecs de l'ile de la Possession possèdent chacun 5 places. Ils sont construits en bois et posés sur un radier sur élevé du sol pour les protéger de l'humidité. L'intérieur est sobre mais chaleureux on y retrouve tout le nécessaire couramment disponible dans les refuges d'aigle situé en haute montagne. L'approvisionnement et l'entretien de ces arbecs est assuré par l'IPEV et se fait une fois par an par hélicoptère depuis le Marion Dufresne. Les produits alimentaires non périssable déposés à l'occasion de ces rotations sont stockés dans des touques étanches disposées a l'extérieure du refuge et solidement arrimées entre elles. Pour éviter qu’ils ne s’envolent, les refuges sont eux même solidement arrimés au sol par des filins métalliques.


Refuge de Pointe Basse


Intérieur du refuge de Pointe Basse


Compactage des déchets à Pointe Basse


La vie en arbec oblige à s'affranchir du confort de la base et à renouer avec la débrouillardise et la simplicité. Faire sécher ses vêtements au fil du vent, s'éclairer a la bougie, préparer à manger avec les moyens du bord, faire la vaisselle à la rivière, sortir dehors pour faire ses besoins, nettoyer et trier ses déchets constituent des rituels auxquels chacun s'adonne cependant avec le plus grand plaisir.

Les soirées et séjours passés en arbec sont d'ailleurs aussi très souvent l'occasion de morceaux choisis plus ou moins mémorables. Certains sont retranscrits voire illustré avec force et détails dans les cahiers de refuge d'autres au contraire sont tenus secrets et ne sortirons jamais de l'arbec.


Ces moments partagés sont parfois l'occasion de découvrir en certains, d'autres individus et d'autres personnages que ceux vivant sur base. Ces révélations sont souvent de belles surprises.

Au final, les sorties de vivre pleinement le sens profonds d'un départ ou d'un séjour dans les terres australes. Elles permettent de prendre toute la mesure des éléments et des conditions climatiques qui règne ici bas. Elles offrent des occasions uniques de s'immerger dans les milieux naturels de ces iles et de se familiariser avec leurs habitants. Elles permettent de mesurer pleinement les capacités d'adaptations nécessaires pour résister aux conditions naturelles de ces milieux. Surtout elles permettent d'apprécier le caractère exceptionnel de ces lieux et de profiter de leur beauté sublime. Elles sont aussi l'occasion de prendre l'air dans tous les sens du terme, de vivre un autre rythme, de se vider la tête et de se faire plaisir.


Pointe Basse


Jardin Japonais