jeudi 28 septembre 2017

Mer de nuages


Mer de nuages sur l'Île de l'Est au petit jour

La base Alfred Faure est située à 130 mètres d'altitude, suffisamment haute perchée en ce matin de septembre pour dominer une mer de nuages dont seuls émergeaient les plus hauts "sommets" de l'île de l'Est. Le tout dégageait une ambiance fantomatique dans un silence étrange après trois jours de vents hurlants ...



La boîte de nuit la plus prisée des Australes

Une soirée à "la Serre", la boîte de nuit la plus prisée des Australes

Une installation dont l'usage a singulièrement évolué dans le temps


La question de la nourriture a toujours été traitée avec une grande attention sur les bases des Terres Australes: il est vrai qu'elle est facteur très important de la qualité de vie sur la base et de son bien être tant physique que psychologique. Il suffit de constater la somme de commentaires et multiples rapports des anciens chefs de district pour s'en rendre compte (et je ne doute pas que certains lecteurs de ce blog, anciens hivernants, pourront apporter leur témoignage sur ce point). Ces derniers tirent tous une conclusion : le moral des troupes est proportionnel à la consommation de produits frais ! Or si la base Alfred Faure est équipée de chambres froides à température négative (notez le pluriel) depuis 2000, il n'en a pas toujours été de même. 

Les moyens logistiques dont disposaient nos anciens ne permettaient évidemment pas de stocker des quantités importantes de denrées autres que les innombrables boîtes de conserve. La construction d'équipements destinés à la production de produits frais lors des missions a donc été très vite étudiée. Comme les autres districts des Terres Austral, le district des Îles Crozet a ainsi été doté d'une serre : la première fut construite en 1967 (mission 4), la seconde en 1972 (mission 9) - vous pouvez vous reporter à l'excellent article sur le sujet rédigé sur ce blog par Régis Glière (Discro 54). Ces installations était par ailleurs souvent associées à des élevages (porcs, poulets, canards, lapins, etc.), faisant des bases de modestes fermes, très éloignées de l'autosuffisance alimentaire néanmoins.

La culture potagère dans des milieux insulaires fragile ne va pourtant pas sans poser de nombreux problèmes. Ceux-ci, d'abord négligés aux regard des enjeux liés au maintien d'une population permanente sur les îles, sont devenus des sujets de préoccupation parallèlement à l'émergence des problématiques environnementales dans la gestion des Terres Australes. Les études scientifiques ont en effet très vite révélé l'invasion des écosystèmes par des espèces exotiques et montré les effets dévastateurs, et malheureusement souvent irréversibles, des introductions accidentelles de certaines plantes, mammifères et invertébrés. Il est vrai que les milieux sont particulièrement fragiles du fait de leur insularité : isolées de toute masse continentale, la faune et la flore locale n'ont pas développé de mécanisme de défense contre la colonisation de nouvelles espèces.  

Si l'Île de la possession est relativement épargnée par rapport aux autres districts en ce qui concerne les introductions de mammifères (hormis les rats naturellement), il n'en est pas de même pour l'invasion végétale. France, notre agent de la Réserve, peut du reste en témoigner : elle est très investie dans les mesures d'éradication (mot savant pour parler de l'arrachage) de plantes envahissantes. Prenant la mesure de la situation et favorisant une démarche préventive, des décisions de préservation fortes ont été prises. Elles ont conduit notamment à mettre en oeuvre un train de mesures strictes en matière de biosécurité :
  • L'abandon de toute culture ou élevage sur base (quoiqu'ancienne cette règle a dû être renforcée car il pouvait exister quelques tolérances), 
  • L'interdiction absolue de toute introduction de produits qui ne seraient pas débarqués du Marion Dufresne et ayant subi les contrôles sanitaires et biologiques réglementaires. En d'autres termes, les bases ne peuvent plus recevoir de cadeaux sous forme de produits frais des bateaux en escale ... C'est la fin d'une longue tradition entre les îles et les gens de mer mais il en va de la préservation de notre flore locale. 
  • La réalisation de contrôles systématiques sur tous les produits frais débarqués lors des opérations portuaires (OP) du Marduf. En clair, chaque prune, kiwi, ananas ou pomme de terre est contrôlé visuellement afin de s'assurer qu'il n'abrite pas d'insecte ou de graine étrangère. Nous reviendrons sur cette "Manip Aliens" dans un prochain article du blog.
  • L'application de protocole de contingentement des risques de dispersion d'espèces. Un sas de biosécurité a été inauguré lors de la dernière OP. Désormais, toute personne qui quitte le périmètre de la base doit passer dans cette installation pour "décontaminer" ses vêtements et son matériel.
Ces mesures peuvent sembler excessives. Et pourtant, participer à la Manip Aliens permet de prendre conscience que, sans nous en rendre compte et malgré des règles rigoureuses, nous transportons avec nous quantité d'organismes et petites graines aux conséquences potentiellement dévastatrices.

La serre a donc perdu sa vocation agricole première. Elle est désormais un lieu récréatif où l'on ne cultive plus que la bonne humeur ... et dans cette nouvelle fonction cette installation dont la vocation est de maintenir la chaleur remplit parfaitement son rôle. Quoique. Les "produits" qui en sortent au petit matin, après une longue et joyeuse soirée ne sont pas toujours de première fraicheur !


Reportage photographique de la dernière soirée à "la Serre", nouvelle boîte de nuit de Crozet ...






















mardi 26 septembre 2017

Aube du monde

L'Île de l'Est au petit jour

Une image de la Création du Monde à l'aube d'une nouvelle journée sur la base Alfred Faure




lundi 25 septembre 2017

Une "manip" manchots royaux avec The King Benoît

 Manip en Baie du Marin

 Par Benoît Vallas - EcoPhy 137



Comme chaque année, début septembre, nous avons mis en place un protocole ayant pour but de suivre la condition corporelle des poussins des manchots royaux de la population de la Baie du Marin, au cours de l’année et année après année. Ce suivi est donc réalisé une première fois en juin, juste avant l’hiver austral, alors que les parents  nourrissent encore très fréquemment leur poussin ; puis une seconde fois, en septembre, à la fin de l’hiver, après que les poussins aient subi un jeûne d’une cinquantaine de jours en moyenne.

Une grande partie de  l’équipe de la base Alfred Faure est alors mise à contribution pour aider à capturer, mesurer et peser plus d’une centaine de poussins. La condition corporelle des poussins peut être mise en lien direct avec les conditions en mer (c’est-à-dire si la ressource alimentaire est disponible et proche) et avec l’aptitude des parents à bien chasser et nourrir leur poussin.

Ce protocole nous permet d’évaluer, année après année, l’état de santé générale de la population de manchots royaux de la BDM, mais aussi d’identifier les différences potentielles de conditions corporelles en fonction des sous-habitats. Il est ainsi possible d’observer des habitats de moins bonne/meilleure qualité mais aussi de localiser des sous-zones occupées par des adultes performants pour prendre soin de leur poussin.


Ce protocole s’insère dans un ensemble d’études ayant pour volonté une meilleure compréhension des stratégies adaptatives des manchots royaux face aux changements environnementaux.





Quelques images de la Manip ... 

 

L'objet de toutes les attentions quotidiennes de Benoît

 



Equipe de manipeurs "au taquet" avant l'assaut : Brice, Denis, Benjamin et notre hôte Benoît (dit The King of the Kings) 

 




Benjamin adopté par un poussin qui ne veut plus le quitter

 



 Brice à la manoeuvre avec son sac de pesée

 



Benoît dans son royaume de la Baie du Marin


dimanche 24 septembre 2017

Docteur House

La formation des aides-médicaux ou comment tirer parti d'un reste de filet mignon ...


Photos et textes par Anne-Claire (Bibcro) et l'aimable participation de Brice, Baptiste, Marc, Yvan, Fabien et Bruno (et un tout petit bout de Denis ... si, si, sur la dernière photo)



Avec le départ de la 54 et notamment celui de Johan l’appro qui était « radiologue » et « laborantin » (cf. portrait d’hivernant), il a fallu former de nouveaux aides-médicaux. C’est ainsi que quelques volontaires de la 55 se sont retrouvés à l’hôpital pour apprendre les rudiments de la  médecine.  

 Ces formations sont  très importantes car le médecin de Crozet ou Bibcro en langage taafien est seul sur l’île. Il a donc besoin d’aides-médicaux pour le seconder dans la prise en charge et la surveillance d’éventuels malades graves. Heureusement cela reste rare.

Voici donc le début de ces formations en image :

Apprentissage de la radiologie.

 
Préparation d’une perfusion.

Oxygénothérapie et surveillance du patient.


Réalisation de plâtres (qui ont bien sûr été enlevés après !!)


Enfin exercice de « couture » sur des restes de filet mignon.

Trois étoiles


Un visiteur tant attendu

La Baie du Marin, un nouveau restaurant 3* ? 




Les hivernants de la mission 54 l’ont attendu avec impatience, craignant de ne jamais le croiser lors de leur séjour sur l’Île de la Possession. Il est vrai que cet animal solitaire ne demeure jamais à terre très longtemps et est assez rare à Crozet. Quelques individus seulement ont été observés ici. L’excitation était donc à son comble quand Benoît (à qui l’on doit la très belle photo ci-jointe) a appelé la base depuis la Baie du Marin où il prenait son poste. En une poignée de secondes tous étaient au courant.  « Il est arrivé ! », « où ai-je bien pu ranger mon appareil photo ? », « qui veut prendre mon tour de Petite Marie … je veux aller voir … Soyez sympa les gars ! », etc. 

Qui est donc cet hôte quasi mythique ? Le léopard de mer bien sûr ! Un des grands prédateurs des mers antarctiques avec l’orque (nous consacrerons bientôt un portrait à ce dernier). L’individu qui est venu nous rendre visite à Port Alfred (sans doute ne s’attendait-il pas à un accueil si enthousiaste) était probablement un jeune individu, les plus grands pouvant atteindre près de quatre mètres. Celui-ci était de taille plus modeste mais son allure reptilienne restait saisissante ; surtout lorsqu’il ouvrait grande sa gueule très large aux dents impressionnantes. On lui ajouterait un long cou on jurerait se trouver en face d’un plésiosaure tout droit sorti de Jurassic Park.

Il sera resté trois jours en Baie du Marin. Le temps pour nous de faire un saut dans le temps et pour lui de profiter de l’accueil légendaire de Crozet … et peut-être aussi de l'appétissante colonie de manchots toute proche. Car, anthropocentrisme mis à part, pour un léopard de mer la Baie du Marin doit ressembler à un arrêt dans un restaurant trois étoiles sur la route de retour des vacances sur le Côte d’Azur !



Revoilà Crozet

Le Blog de Crozet c'est reparti ...

La mission 55 est maintenant en place


La mission 55 est désormais lancée et commence à prendre son rythme de croisière. Très bien accompagnée par les « anciens » des programmes scientifiques et de la Réserve naturelle issus de la 54, ils sont maintenant à pied d’œuvre et ont pris la mesure des défis qui sont les leurs dans leur nouvel environnement. A peine arrivée sur la base Alfred Faure, l’équipe a pris la relève et lancé ses premiers travaux. Et ils ne manquent pas. Il s’agit non seulement de conduire les chantiers assignés par le Siège, mais aussi de faire l’apprentissage de nouvelles fonctions, voire nouveaux métiers. Certains deviennent pompiers, d’autres assistants infirmiers, d’autres encore brancardiers … et tous « écologues ». 

Après quelques semaines dont la priorité était tournée sur l’organisation interne de la base et la découverte de notre terre d’accueil, nous pouvons maintenant revenir vers vous et rendre compte de nos premières expériences. Nous tâcherons tout au long des prochains mois de vous faire partager un peu de notre vie dans les Australes. Ceux qui ont déjà pu sortir de la base et accompagner quelques moments sur le terrain avec les scientifiques sont tous revenus enthousiastes (et fatigués – la topographie n’est pas des plus simples). Tous ont à cœur de vous ouvrir une fenêtre sur les merveilleux paysages de l’Île de le Possession et vous faire apprécier la faune et la flore locale, encore préservés dans leur écrin exceptionnel.

Salutations australes,

La mission 55 vous souhaite la bienvenue ...