mardi 31 décembre 2019

La reproduction des manchots royaux (3/6) : la ponte et l’incubation de l’œuf

 

Les premières pontes cette année en Baie du Marin ont eu lieu autour du 8 novembre. Une fois l’œuf pondu par la femelle, il faut compter environ 53 jours d’incubation avant l’éclosion et la naissance du poussin. Durant la phase d’incubation, l’œuf est posé sur les pattes de son parent et ne touche pas le sol. Il est recouvert d’une poche incubatrice sous laquelle il est en contact directement avec la peau pour favoriser la diffusion de la chaleur. Il est régulièrement tourné par les parents pour bien répartir la chaleur et éviter l’adhérence.








  
Transmission de l’œuf entre 2 parents


Pendant cette période, les deux parents se relèvent à tour de rôle pour couver leur œuf. C’est le mâle qui commence, rapidement après la ponte, la femelle repartant alors en mer pour se nourrir. Les périodes où le parent couve durent généralement deux semaines avant que son partenaire vienne prendre le relais. C’est par le chant que ceux-ci arrivent à se reconnaitre dans la manchotière. Le manchot couvant est alors en jeûne total, il repart en mer se nourrir quand son tour est terminé.


Pendant les quasi deux mois d’incubation, les couveurs doivent également défendre leur territoire face aux autres manchots et éviter les potentielles attaques de skuas sur leur œuf, notamment au moment où ils le tournent ou quand les deux parents se relaient. Un autre risque pendant cette période d’immobilisation pour le manchot est lié à la météo : la manchotière étant en bord de mer, une potentielle tempête, amenant une forte marée peut repousser les manchots et les obliger à se déplacer rapidement avec leur oeuf, ce qui n'est pas aisé.

 
C’est ce qui s’est passé le 26 décembre dernier où des vents violents se sont abattus sur l’île provoquant une forte houle qui a déplacé de nombreux manchots précipitamment vers l’intérieur des terres. Une partie de ceux qui couvaient au niveau de la plage a perdu son œuf, faisant alors le bonheur des skuas et pétrels à l’affut. 

Si les premières pontes ont commencé en novembre, celles-ci se poursuivent encore maintenant avec les manchots dont le cycle de reproduction est plus tardif. Les premières naissances devraient quant à elles avoir lieu dans les prochains jours!


Merci aux manchologues Sandra Avril et Anne Cillard (Prog 119) 
pour leur aide dans la rédaction de cet article.
Photos de A. Cillard, J. Tucoulet et T. Fuentes Rodriguez

samedi 28 décembre 2019

Noël à Crozet

Les décorations et le sapin avaient été installés quelques jours plus tôt et c'est donc dans une base décorée aux couleurs de noël que les hivernants ont célébré comme il se doit le réveillon de noël: apéritif autour du sapin, distribution des cadeaux et bon repas!

Le sapin sous lequel attendent les cadeaux préparés par les hivernants
Les pulls de circonstance ont été sortis
Le Père Noël est passé par Crozet pour la distribution des cadeaux
 
 
L'équipe cuisine avait préparé un repas de fête, conclu par des bûches au caramel beurre salé



  
Photos de T. Fuentes Rodriguez, C. Vansteenberghe et A. Cillard

jeudi 19 décembre 2019

Mission scientifique sur l’île aux cochons

La réserve naturelle nationale des Terres australes françaises héberge les plus importantes concentrations d’oiseaux marins au monde. L’île aux Cochons, une des cinq îles de l’archipel Crozet, abritait une colonie de manchots royaux rassemblant près de 500 000 couples en 1988, la plus grande colonie au monde pour cette espèce. Les derniers comptages effectués par le CNRS de Chizé (Weimerskirch et al, 2018) ont montré une diminution d’environ 88% de cette colonie en 35 ans. Dans ce contexte, les TAAF se sont engagées, en tant que gestionnaire de la Réserve naturelle, à mettre en œuvre une unique mission de terrain dans le but d’étudier les différentes hypothèses qui pourraient être à l’origine du déclin de la population de manchot royal de l’île aux Cochons.

La colonie de manchots royaux de l'île aux cochons

L'équipe scientifique à bord du Marion Dufresne
La rotation logistique du Marion Dufresne en novembre (OP3), période pendant laquelle les manchots à différents stades de la reproduction peuvent être étudiés, a été choisie pour déployer une équipe sur le terrain pendant cinq jours. L’équipe était composée de six personnes de la Réserve naturelle, du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS-Université de La Rochelle) et du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CNRS-Université de Montpellier-EPHE-IRD).


Le camp temporaire établi à proximité de la colonie étudiée
Classée en Zone de protection intégrale, l’île aux Cochons n’a plus été étudiée à terre depuis 1982. Avant d’accéder sur ce site hautement préservé, toutes les mesures ont été prises pour garantir l’absence d’impacts sur les espèces et les milieux. En particulier, du matériel neuf (vêtements, toiles de tente, bottes, etc.) a été acheté spécifiquement pour la mission et la biosécurité des équipements a été réalisée avant l’accès à l’île et au retour sur le Marion Dufresne afin d’éviter l’introduction et le transport d’espèces exotiques. Les bonnes conditions météorologiques ont permis de déposer et récupérer l’équipe et les 700 kg de matériel, eau et nourriture, par hélicoptère, du 15 au 20 novembre 2019. Un camp léger de quatre tentes a été installé à proximité de la colonie d’étude. Pendant cinq jours complets, les six membres de la mission ont travaillé par binôme pour répondre aux différentes hypothèses.

Parmi ces hypothèses figurent celle de la raréfaction des zones d’alimentation des manchots royaux ou la dégradation de l’accessibilité des proies, pouvant être à l’origine d’un mauvais succès reproducteur. Dix balises Argos ont été posées sur des adultes en début et fin de cycle. Après deux semaines en mer, les premiers résultats montrent que ces oiseaux se dirigent aussi bien vers le sud, au niveau du front subantarctique au nord que le front polaire au sud pour s’alimenter (cf carte ci-dessous).

Suivi des déplacements des manchots ayant été équipés d'une balise Argos
























Cette première observation contraste avec les connaissances sur la population de l’île de la Possession, autre site d’importance pour la reproduction de l’espèce à Crozet, pour laquelle les oiseaux ne vont s’alimenter que vers le front polaire. Ce résultat sur quelques individus sera prochainement comparé aux analyses des isotopes du sang et des plumes d’un plus grand nombre d’individus et de différentes classes d’âge, afin de vérifier si ce comportement est répandu dans cette population. Il sera également comparé aux mêmes suivis réalisés en parallèle sur la Possession.


Par ailleurs, la présence d’un agent pathogène sur l’île aux Cochons infectant régulièrement les manchots royaux pourrait provoquer une mortalité massive des poussins et/ou des adultes. Les premières observations dans la colonie n’ont pas révélé de mortalité massive. Toutefois, un ensemble de prélèvements ont été réalisés afin de vérifier en laboratoire la présence d’agents infectieux dans la population de manchot royal et dans les populations d’oiseaux nécrophages présents sur l’île aux Cochons. Ces résultats seront comparés à ceux d’autres sites dans les Terres australes françaises et sur d’autres îles subantarctiques. 

Enfin, trois espèces animales introduites sont présentes sur l’île aux Cochons, le lapin, le chat et la souris. Alors qu’aucune trace de lapin n’a été observée au cours de la mission, les deux autres espèces sont bien présentes autour de la colonie avec plusieurs observations directes ou à l’aide des dix pièges photographiques employés. Un comportement de prédation de chat et/ou de souris sur les poussins de manchot royal aurait pu apparaitre sur l’île aux Cochons. Aucune trace anormale n’a été observée sur les poussins suggérant une morsure par l’une des deux espèces. Des fèces de chat ont été collectées afin d’étudier leur régime alimentaire. L’observation nocturne à l’aide de jumelles thermiques infrarouge n’a pas permis de détecter de cas de prédation du chat sur des manchots royaux mais elle a cependant révélé un comportement de prédation important sur une autre espèce, le prion de Salvin, localement présent en forte densité sur l’île. Le piégeage des souris a montré leur présence à proximité de la colonie et l’analyse des prises de sang et des écouvillons réalisés permettra de vérifier leur rôle éventuel de réservoir pour un agent pathogène.

Tout en respectant des consignes strictes d’évitement des impacts, on peut supposer que le succès de cette mission sur l’île aux Cochons, apportera très prochainement  des pistes de réponses aux raisons de la diminution de la première colonie au monde de manchot royal, espèce clé de l’inscription des Terres et mers australes françaises sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.


Rédaction: Adrien Chaigne
Photos d'A. Chaigne et B. Lachat 

mercredi 18 décembre 2019

OP4 - Dernière opération logistique de l’année


Du dimanche 15 au lundi 16 décembre s’est tenue la dernière opération logistique de l’année. Le Marion Dufresne est arrivé cette fois-ci sous un beau ciel bleu et la première journée de l’OP s’est déroulée sous une météo exceptionnelle pour Crozet : du soleil et pas de vent ! C’est donc sans goretex, voire en T-shirt pour certains, que les hivernants ont pu accueillir les passagers descendant à terre. Parmi eux figuraient six nouvelles personnes venues passer un à quatre mois sur le district.

Une fois le courrier et les passagers débarqués par hélicoptère, le ravitaillement en vivres a pu démarrer, celui-ci permettra de nourrir les hivernants jusqu’à fin-mars 2020. Comme de coutume, pour effectuer un déchargement rapide, tout le monde a participé en formant une chaîne pour amener les vivres depuis la DZ jusqu’aux différents lieux de stockage.

 

Les autres opérations prévues ont ensuite pu être effectuées : survol de la Baie du Marin pour une prise de photos de la colonie de manchots qui permettra d’effectuer un décompte des individus ; dépôt et récupération de matériel logistique sur la cabane de Pointe Basse et sur la base.
Le lundi, après des aurevoirs chargés en émotion, le Marion Dufresne est reparti remmenant avec lui quatorze personnes dont six VSC arrivés en novembre 2018 et venant de passer 13 mois sur l’île. 

 

Photos de T. Fuentes Rodriguez, J. Tucoulet et Y. Le Mentec