samedi 20 octobre 2012

Tour de l'île de la Possession

Du 2 au 11 octobre, une "manip" a permis à trois hivernants de réaliser un circuit pédestre constituant un véritable tour de l’île de la Possession, en passant par des itinéraires rarement empruntés. Pour le responsable de l'opération, Franck l'ornitho, le but était de réaliser le comptage de manchots papous, de pétrels géants antarctiques et subantarctiques géants nicheurs, et des harems d'éléphants de mer. Pour Matthieu le "Gener" de l'IPEV, cette manip était l'occasion de visiter les trois "arbecs" (refuges dans la terminologie locale) avant l'afflux de scientifiques pendant la campagne d'été, qui débutera mi-novembre. Une des missions du "Gener" (une sorte de logisticien) est en effet de conditionner les déchets et matériels usagés qui seront évacués par hélicoptère, de faire des rangements et de réaliser des inventaires (produits alimentaires et gaz notamment). Enfin, Alizée, représentante de la Réserve Naturelle à Crozet, souhaitait effectuer sur le terrain des relevés concernant la flore (espèces locales et espèces introduites), repérer les transits (itinéraires de déplacement) sur les secteurs rarement fréquentés et évaluer l'état des habitats naturels    aux abords de ces itinéraires de transit. 

Le 2 octobre, le trio prend la direction du refuge de "La Pérouse", en passant par la Crique de Noël (nommée ainsi car visitée par la mission scientifique du "Gauss" le 25 décembre 1902) et la plage de la Baie du "La Pérouse" au sud de l'île. (Le "La Pérouse" est un aviso hydrographique venu en mission à Crozet en novembre 1949)

Ci-dessous: manchot papou à la Crique de Noël. Contrairement au manchot royal, le papou préfère s'installer en hauteur et construit un nid.


Descente vers La Pérouse... portion de terrain facile et belle météo, à Crozet ça ne dure jamais !


Ci-dessous, l'arbec de La Pérouse, saupoudré de quelques flocons de neige printanière...



Après une nuit dans le refuge, le groupe se dirige vers le "Téton de l'Amazone" et le Cap du "Galliéni" au sud-ouest de l'île. (Le "Gallieni" est un navire des Messageries Maritimes qui a assuré toutes les relèves des missions australes de 1957 à 1971. L'ancêtre du "Marion Dufresne" donc...) Ci-dessous: vue sur la Baie du "La Pérouse". 


La marche se poursuit en direction de la Pointe des Moines (nommée ainsi car elle est prolongée par une succession de roches inclinées vers l'Est, en forme de capucins), via la Tour Blanche, le Pain de Sucre, la Petite Coulée et le Mont Cécille (du nom du Capitaine de Vaisseau Jean-Baptiste Cécille, envoyé en inspection de pêche à Crozet en novembre 1837).

Depuis le haut du Col Cécille, vue sur le site des Moines: 


Arrivés aux Moines, c'est maintenant une nuit sous la tente qui se prépare...aux dires des intéressés elle fut "humide et venteuse". Mais avant de se reposer, il faut aller compter les papous et les pétrels près de la plage.


Le lendemain, la destination à atteindre est le refuge de Pointe Basse. Pour cela, il faut gravir le Col des Moines, sur un terrain instable et dans le brouillard... dans cette zone il n'existe pas de "transit" balisé, aussi le guidage au GPS est bien utile!


Ci dessous: la vacation radio (ici au Col des Moines) avec la base permet de s'assurer de la progression de l'équipe. A la charge du "chef de manip", elle est obligatoire au passage de certains points hauts, ainsi qu'à 8h00 et 20h00. Les "manipeurs" bénéficient ainsi des prévisions météo, souvent déterminantes pour la suite des activités.


Passé le Col des Moines, le petit groupe poursuit vers les Aiguilles et retrouve un itinéraire plus familier à partir du col de la M.A.E. (comprendre "Mare Aux Éléphants") jusqu'à Pointe Basse.

Pause goûter pour l'équipe... les cuisiniers préparent pour ces occasions du "pain de manip", amélioré avec des fruits secs.Il existe aussi une version "chocolat de manip" basée sur le même principe.


Après une nuit de confort passée dans le refuge de Pointe Basse, nos manipeurs se rendent au "Jardin Japonais" proche de Pointe Basse, pour y poursuivre leur travail. Le jour suivant, c'est à la Mare aux Eléphants que se font les comptages. Le troisième jour à Pointe Basse est marqué par le mauvais temps. Il est  mis à profit pour des activités logistiques. 
Une des missions du "GENER" est de conditionner les déchets des refuges avec divers impératifs: ne pas attirer les rats (utilisation de touques en plastique), vérifier le tri sélectif de ces déchets et leur étiquetage, faire en sorte que l'hélicoptère ne s'attarde pas sur place le jour "J", chaque minute de vol coûte plusieurs dizaines d'euros... aux déchets produits localement, s'ajoutent les bouées de pêche récupérées sur les plages proches...


Le GENER vérifie aussi l'état des stocks alimentaires (bonne conservation, dates de péremption, etc), ici dans une anfractuosité rocheuse sur le site des Moines:



Le 8 octobre, le trio profite de sa dernière journée à Pointe Basse pour y effectuer le comptage des Pétrels géants nicheurs, certains individus étant capturés pour être bagués. Le 9 octobre, c'est le départ pour le refuge de la Baie Américaine (BUS dans le langage local), via les cols 500 et 300. Le 10 octobre, l'équipe remonte vers le Nord-ouest, franchit la crête de l'Alouette (nommé en souvenir d'un volatile invasif, l'hélicoptère Alouette II, qui y a mis en place une station topographique) puis la vallée de l'Hébé (navire qui fit naufrage à La Possession en 1831) pour gravir la paroi des Monts Jules Verne (auteur de "L'île mystérieuse"). Le but de la sortie est d'atteindre la Baie du Petit Caporal (une roche ciselée par le vent y dresse un buste de Napoléon d'une netteté saisissante), difficile d'accès et donc très peu fréquentée.


Au retour vers le refuge, le groupe observera pendant une trentaine de minutes un groupe d'orques évoluer non loin du rivage. Le 11 octobre sonne l'heure du retour vers la base Alfred Faure, en passant par les sites côtiers (Cap Chivaud, criques de la Chaloupe et du Sphinx) plutôt que par le transit habituel qui traverse l'étendue aride du Plateau Jeannel (professeur au MHNP, membre de l'expédition du "Bougainville" en 1939). De retour à la base, il faudra trois jours à Franck pour rentrer dans l'ordinateur les données collectées pendant la manip, avant de repartir sur le terrain...



photos: Alizée + Matthieu
Texte: Alizée + Discro
toponymie extraite du recueil "Toponymie des Terres Australes"


vendredi 19 octobre 2012

Escale du patrouilleur "OSIRIS"

L'OSIRIS, navire de surveillance des pêches dans l'océan austral, est basé à La Réunion. Ancien palangrier pirate saisi par les autorités françaises, il a été reconverti en patrouilleur dans la Zone Economique Exclusive française qui entoure chacun des trois districts austraux des TAAF. Co-financé par les armateurs autorisés à pêcher dans notre ZEE et par l'administration des TAAF, il comporte un équipage à dominante malgache et des contrôleurs des pêches, issus de la Gendarmerie maritime. Courant octobre, l'OSIRIS est venu rendre une visite de courtoisie à Crozet.

Comme avant chaque visite, le drapeau français et celui des TAAF sont hissés sur le mat des couleurs, tôt le matin:


L'OSIRIS est visible depuis la base, située à 130 mètres au dessus du niveau de la mer:



Tandis que trois contrôleurs des pêches et un membre de l'équipage débarquent, trois crozétiens prennent le zodiac pour gagner le bord de l'OSIRIS. Ci-dessous: Guillaume, notre responsable des approvisionnements, heureux de quitter la terre ferme pour quelques heures:




Après une  visite de la base et des sites naturels proches, nos visiteurs sont conviés au "CRONIBAR" à partager un moment de convivialité avec les hivernants:

 

Après le déjeuner, une visite de la "manchotière" de la Baie du Marin est organisée par deux VSC de la base, Sylvia et Paul. En cette saison, des milliers de manchots sont présents ainsi que plusieurs dizaines d'éléphants de mer. 


Ci dessous des damiers du Cap, exceptionnellement peu farouches ce jour là et présents par dizaines au bord du rivage:


A quelques mètres de là, des pétrels géants se disputent la carcasse d'un manchot. Au premier plan, un skua se repose, trois chionis attendent leur tour pour finir le festin, un goéland dominicain quitte la scène sur la droite et un damier du Cap avance sur l'eau.... beaucoup d'espèces cohabitent ici sur quelques mètres carrés! 


L'OSIRIS mouille non loin de la plage (en fait pas si près, le zoom est puissant!)


Mais c'est déjà l'heure du retour pour nos trois camarades montés à bord.... Frédéric, notre plombier (gilet de sauvetage) , fait ses adieux à Gérard qui lui reste à bord..


Laurent et "Biloute" (Fred) font à eux deux une belle figure de proue...tandis que Guillaume filme le décor! 


Le débarquement sur la plage est généralement une occasion de se mouiller copieusement, surtout quand on a oublié de mettre des bottes....et aujourd'hui la mer est très calme.  L'OSIRIS est visible tout au loin maintenant qu'il n'y a plus de zoom!


C'est maintenant au tour de nos visiteurs de regagner leur bord. Ils poursuivront leur mission, qui dure environ deux mois. Ce blog restera volontairement muet sur leur itinéraire et sur la date de leur passage à Crozet: inutile de faciliter la tâche à ceux qui pratiquent la pêche illicite, sans considération pour le renouvellement du stock de légines ou pour la préservation des albatros, victimes collatérales de certains modes de pêche.













lundi 15 octobre 2012

Ramassage des "notos"

Une sortie de trois jours a été réalisée avec quatre participants (Tiphaine, VSC responsable du programme scientifique 136, Brieuc, VSC en géophysique, Fabrice le chef Infra et Jeff le technicien télécom) en direction du site de Pointe Basse au nord-ouest de l'île de la Posesssion. Pour Tiphaine, le but principal de l'opération était de réaliser à Pointe Basse la collecte de soixante escargots  de l'espèce endémique Notodiscus Hookerii (pour en savoir plus, visitez:  www.ipev.fr/pages/Biodiversite/notodiscus.pdf ). Leur taille minuscule les rend moins attractifs que les escargots de Bourgogne, en tant que complément alimentaire... Les individus ramassés seront donc ramenés au laboratoire de la base, pour des études sur leur résistance au froid.

Nos quatre "manipeurs" au départ de la base:



Puis sur la piste qui remonte la vallée la rivière du Camp, en traversant le domaine des coussins d'azorelle et des lichens blancs:


Sur l'itinéraire menant à Pointe Basse, Tiphaine en profite pour procéder à des mesures sur les choux de Kerguelen. Ces plantes endémiques sont attaquées à la fois par les rats qui en rongent la tige, et par la larve d'un papillon. 



Egalement, la sortie est mise à profit pour relever des enregistrements de données météorologiques en divers sites éloignés de la base. La nécessité de récupérer les données dans l'ordinateur portable impose de réaliser cette opération par temps sec !


Après plus d'une quinzaine de kilomètres de marche, le petit groupe rejoint le refuge de Pointe Basse. La récolte des petits "notos" peut commencer... Ils se cachent souvent sous des cailloux:




 Et ils sont vraiment petits petits !


La soirée dans le refuge  permet de récupérer un peu.... car le travail se poursuit le lendemain afin de réaliser la collecte des soixante individus.


Le troisième jour est celui du retour. La remontée vers le col 600 s'effectue sur une fine couche de neige gelée, avec peu de visibilité sur le sommet. A gauche de l'image, on distingue encore Pointe Basse sans neige... 


Mais au sommet, le ciel se dégage enfin et permet à l'équipe d'apercevoir le "relais 26", installation radio située sur la crête à 20 minutes de marche, à une altitude d'environ 700 mètres. La maintenance régulière du relais étant nécessaire, ce passage permettra donc d'éviter d'y faire monter l'hélicoptère lors de la prochaine 
OP mi-novembre. Comme souvent en cette saison, le relais est couvert de glace et de neige:



Il fait bon à l'intérieur du shelter radio, on y est protégé du vent et la chaleur humaine fait le reste...


Jeff fait des essais de liaison radio avec la base:


Les vents changeants gênent le déploiement du drapeau des TAAF sur le sommet...



C'est maintenant l'heure de la descente dans la Vallée des Branloires et du retour vers la base pour les gastéropodes et leurs accompagnateurs. Fabrice, même si il n'a pas réussi son pari de conserver des chaussures sèches jusqu'au bout, a conservé sa bonne humeur coutumière ! 


Note du Discro pour les lecteurs du blog: les photos (ici prises par Brieuc) peuvent être copiées pour une utilisation privée, pour toute utilisation publique ou commerciale merci de laisser un message sur le blog.   

mercredi 10 octobre 2012

Chantier de la Baie du Marin: suite et fin.

Ce chantier consistait à substituer à l'ancienne clôture en béton et grillage, une palissade en bois haute de 110 cm, plus esthétique et surtout décalée de façon à réduire l'emprise de la piste sur la manchotière. La partie finale de cette intervention a été effectuée le 8 octobre, bien avant le début de la période de ponte des manchots.
Les semaines précédentes avaient été consacrées au montage de la nouvelle palissade, réalisé parfois sous la pluie, parfois sous la neige et même exceptionnellement sous le soleil printanier de Crozet. 
Vers 9h00 le lundi, les premiers blocs de béton ont pu être extraits à l'aide du tractopelle: 


Puis c'est le "Manitou" qui peut pénétrer dans la manchotière par un passage laissé dans la palissade, pour prendre la relève:


 Le chantier avance vite, Fabrice le chef "Infra" semble content !


 Les manchots se sont prudemment écartés d'une bonne trentaine de mètres de l'engin...


Pendant que les machines travaillent en aval, Fred et Mika terminent les finitions de la palissade dans sa partie amont:


Lorsque toutes les machines calent sous l'effort, le chef "Infra" est là!



 En bas, toute l'ancienne clôture est maintenant retirée, on nivelle le terrain avant de le rendre aux animaux:


 Fred tronçonne les supports du grillage là où il a été impossible de les extraire: 


 Une fois le tractopelle sorti de la manchotière, on s'active à refermer l'ouverture de la palissade:


 Et pour finir, toute l'équipe "Infra" nettoie les abords du chantier des restes de grillage et de ferraille:


Un des premiers animaux à revenir, alors même que les hommes s'activent encore, est un canard d' Eaton. Il vient pêcher dans le ruisseau qui court le long du chantier...



 Dès le lendemain, les manchots sont de retour là où les engins ont circulé...


Vue finale: l'ancienne clôture passait là où se trouve le manchot le plus aventureux... le remplissage progressif de la manchotière dans les semaines à venir incitera les animaux à reconquérir la zone fraîchement libérée. L'herbe (une espèce dite "invasive") disparaîtra au fur et à mesure de l'occupation par les manchots. Une seule crainte pour l'équipe "Infra": qu'un éléphant de mer (pesant jusqu'à trois tonnes) vienne fracasser la palissade pendant une course-poursuite dont les mâles de l'espèce sont coutumiers à l'époque de la reproduction....


Ce n'est pas qu'une vue de l'esprit: voilà maintenant une dizaine de jours que notre chantier est sous surveillance! 


Voilà, la dernière touche consistera à rendre la piste moins boueuse, par apport de scories volcaniques. Si Monsieur est d'accord!