Journal Argonautica pour Crozet, Saison 2018 N°4
Par Vincent Bourret, IPEV (son portrait)
Chers amis,
Voici le dernier numéro du journal Argonautica pour cette
saison 2018 !
Au cinq mars, date du précédent numéro de ce journal, les
cinq animaux suivants étaient en mer :
- F00 (parti en mer le 20 février avec la balise Argos
numéro 166436)
- F02 (parti en mer le 25 février avec un enregistreur de
plongée MK9)
- V00 (parti en mer le 27 février avec la balise Argos
numéro 166437)
- V02 (parti en mer le 2 mars avec un enregistreur de
plongée MK9)
- F14 (parti en mer le 4 mars avec la balise Argos numéro
166438)
Et bien les quatre premiers sont revenus exactement dans
l’ordre dans lequel ils étaient partis, soit F00, puis F02, puis V00, puis V02
!
F00 est donc revenu à la colonie le 7 mars pour nourrir son
poussin (figure 1). Nous en avons profité pour retirer sa balise Argos 166436.
Celle-ci a montré que son voyage l’avait mené très, très loin au Sud (à des
centaines de kilomètres de Crozet) pour chercher de la nourriture. Lorsque nous
avons pesé ce manchot, nous nous sommes rendu compte que cela lui avait été
profitable puisqu’il avait gagné plus de 2,5 kg (soit environ un quart de son
poids) en un peu plus de deux semaines !
Il est reparti en mer dès le surlendemain – les parents
passent peu de temps à terre en cette période – cette fois sans aucun
équipement. F00 a donc fini son « travail » pour notre programme d’étude ! Il a
depuis été revu seulement une journée sur la colonie, le 28 mars. Souhaitons
lui, ainsi qu’à son conjoint F10, bonne chance pour l’élevage de leur
poussin, car l’hiver approche et il commence à faire très mauvais sur l’île de
la Possession, où les poussins vont passer encore de nombreux mois à terre
avant de s’aventurer pour la première fois en mer…
Figure 1. F00, de retour à la colonie le 7 mars, nourrit son
poussin. Les poussins vont directement chercher la nourriture dans la bouche de
leurs parents ! Vous pouvez voir sur le dos de F00 la balise Argos numéro
166436.
F02 quant à lui est revenu à la colonie le 18 mars, après
plus de 3 semaines passées en mer avec son enregistreur de plongée MK9. Ces
appareils donnent des renseignements extraordinaires sur le déroulement des
plongées des manchots… Regardez plutôt la figure 2 ! Ce type de figure est ce
que l’on appelle un « graphique ». Nous allons essayer ensemble de comprendre
celui-ci…
Ce graphique représente, à chaque instant autour de 8h30 du
matin le 2 mars, la profondeur à laquelle se trouvait F02. Ainsi, à 8h25, F02
était en surface (profondeur de zéro mètre). Il a commencé à descendre juste
avant 8h26, et a atteint sa profondeur maximale (au-delà de 200 m !) à 8h28 ;
puis il est remonté pour retrouver la surface peu après 8h30. Il a ensuite
démarré une autre plongée à 8h32, soit après seulement deux minutes de repos en
surface… Rappelez-vous que ces animaux ne sont pas des poissons, ils ne
respirent donc pas sous l’eau (de ce point de vue ils sont comme nous et
plongent en apnée !)
On pouvait s’attendre à ce que F02, après avoir enchaîné
deux ou trois plongées à cette profondeur, prenne un peu de repos... Mais il
n’en n’est rien ! Si l’on regarde ce qu’il s’est passé entre 8h et 9h du matin
(figure 3), on voit que F02 a enchaîné pas moins de neuf plongées à plus de 150
m de profondeur, en une heure ! Et si l’on regarde le déroulement de toute la
journée du 2 mars (figure 4), c’est encore plus impressionnant… Ce sont des
dizaines et des dizaines de plongées consécutives, du lever au coucher du
soleil. Et l’animal a enchaîné pas moins de 21 journées consécutives comme
celle-ci, du 25 février au 18 mars…
V00 quant à elle est revenue avec sa balise Argos 166437 le
22 mars. Elle a retrouvé son poussin qui lui a immédiatement réclamé à manger
(figure 5). De même, V02 est revenu avec son MK9 le 27 mars et nous l’avons
déséquipé.
A ce jour, il ne reste donc que F14 d’équipé ! Gageons
qu’après un beau voyage aux confins des eaux antarctiques, il ne tardera pas
lui aussi à revenir…
Voilà que s’achève pour moi cette période de 5 mois de
travail avec les manchots royaux de Crozet. Nous avons été plusieurs à
travailler en Baie du Marin pendant toute cette période, sur des aspects
complémentaires de la biologie de ces animaux :
Caroline (figure 6) étudie la façon dont les manchots font
face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer à terre, et notamment le stress.
En effet, ils se retrouvent en grand nombre pour se reproduire sur les plages
où ils doivent défendre un petit emplacement, avec leur oeuf puis leur poussin
!
Quant à Rébecca, elle étudie de nombreux aspects de la
biologie de ces animaux, y compris leur acoustique (figure 7) !
Enfin, Douglas (figure 8) nous aura tous aidés en
participant aux trois programmes d’étude. Lui et moi allons prendre le bateau
pour quitter Crozet dans quelques jours, alors que Rébecca et Caroline
resteront encore huit mois. Elles verront donc les poussins éclos cette année
gagner la mer pour la première fois !
Figure 6. Caroline, vétérinaire, spécialiste du stress chez
les manchots lors de leur séjour à terre ! Au fond, l’île de l’Est.
Figure 7. Rébecca enregistre les sons émis par les manchots
! La photo, prise en novembre dernier, montre de gros poussins de l’année
dernière en train d’acquérir leur plumage adulte, alors qu’ils s’apprêtent à
quitter l’île pour la première fois.
Figure 8. Douglas, avec son ami le chionis, profite d’une
pause bien méritée.
Amitiés, et bonne continuation à tous. Je souhaite que vous
rencontriez dans votre scolarité et votre travail le même bonheur que celui que
j’ai connu ici au contact des manchots !
Vincent.
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