L’archipel
Crozet fait partie, avec les îles Kerguelen et les îles St Paul et Amsterdam, de la Réserve naturelle des Terres australes françaises dont
le treizième anniversaire a été fêté le 6 octobre dernier.
Créée
en 2006 afin de protéger le patrimoine naturel exceptionnel des terres
australes sur du long terme, son périmètre marin a été étendu en 2016 : la
zone terrestre de la réserve couvre aujourd’hui plus de 7 600 km2 et la zone
marine, plus de 670 000 km2. C’est la plus grand réserve naturelle de France.
Pierre et Naïs devant le bureau de la Réserve |
Son
récent anniversaire est l’occasion pour nous de revenir avec les deux agents de la
Réserve, Pierre (Chargé des activités Flore et habitats) et Naïs (Chargée des
activités en lien avec les mammifères introduits et les suivis ornithologiques)
sur les actions mises en œuvre sur l’île de la Possession dans le cadre du plan
de gestion de la Réserve.
Tous
deux travaillent en partenariat avec les agents de l’Institut polaire français Paul
Emile Victor (IPEV) menant des activités de recherche sur l’île. Ils vont nous
en dire plus sur ce qui les a amenés dans les îles australes et leurs activités
à Crozet.
Qu’est-ce
qui vous a amenés à souhaiter partir dans les terres australes pour la Réserve ?
Pierre : Mon arrivée sur Crozet est un peu le
fruit du hasard : dans le cadre de mes études d’Ingénieur en agronomie
avec une spécialisation en biodiversité sur la thématique des espèces exotiques
envahissantes, j’ai effectué mon stage de 6 mois au siège des TAAF à La
Réunion. A l’issue de celui-ci, les TAAF m’ont proposé d’hiverner à Crozet,
j’étais très heureux car c’était le district qui me plaisait le plus, de par sa
taille et le type de végétation présent ici.
Naïs : C’est l’orientation de mes études qui m’a amenée à m’intéresser aux Terres australes. Pour mon Master 2 en Biodiversité des Écosystèmes Tropicaux effectué à La Réunion, j’ai travaillé sur la conservation des oiseaux marins dans les milieux insulaires. Les TAAF sont bien connues à La Réunion et la plupart des enseignants-chercheurs de mon Master étaient des anciens hivernants, nos travaux appliqués étaient donc pour beaucoup inspirés de cas des îles d’Amsterdam, Crozet et Kerguelen. Très intéressée par le travail de conservation des oiseaux et motivée par l’aventure humaine que représente un an d’hivernage, j’ai postulé pour partir dans les TAAF.
Naïs : C’est l’orientation de mes études qui m’a amenée à m’intéresser aux Terres australes. Pour mon Master 2 en Biodiversité des Écosystèmes Tropicaux effectué à La Réunion, j’ai travaillé sur la conservation des oiseaux marins dans les milieux insulaires. Les TAAF sont bien connues à La Réunion et la plupart des enseignants-chercheurs de mon Master étaient des anciens hivernants, nos travaux appliqués étaient donc pour beaucoup inspirés de cas des îles d’Amsterdam, Crozet et Kerguelen. Très intéressée par le travail de conservation des oiseaux et motivée par l’aventure humaine que représente un an d’hivernage, j’ai postulé pour partir dans les TAAF.
Quelles
sont vos activités au quotidien ?
Pierre : Mes activités changent beaucoup entre
l’hiver et l’été !
Un coussin d'Azorelle, une plante native de l'île de la Possession |
En
été, je travaille principalement sur l’amélioration de la connaissance de la
flore de l’île, les espèces natives (17) et les espèces introduites par l’homme
au fur et à mesure de notre présence ici (une soixantaine). Je pars alors sur
le terrain pour procéder à des inventaires via un maillage de l’île sur des
carrés de 500 mètres sur 500 où l’on inventorie toutes les espèces rencontrées.
C’est un travail qui a débuté en 2011 et qui se terminera l’année prochaine. J’ai
également, autour de la base Alfred Faure, des activités d’éradication des plantes
introduites par des méthodes d’arrachage, de bâchage ou de brûlage afin d’essayer de
limiter au maximum leur expansion.
Remplacement de piquets sur un transit |
Inventaire flore d'une maille |
En
hiver, de mai à septembre, je suis surtout occupé par l’ aménagement des ''transits'' de l’île pour essayer de limiter au maximum l’impact de notre
passage sur la végétation. On installe et entretient alors des caillebotis
pour marcher dessus à certains endroits plus sensibles et des piquets pour
définir les chemins.
Enfin,
avec Naïs, nous sommes chargés de la sensibilisation aux questions
environnementales auprès des visiteurs et des autres hivernants afin de leur
faire connaître les enjeux de conservation du territoire. On les accompagne également dans
la prise en compte de l’impact sur la biodiversité des activités afin de
prévenir au mieux celui-ci. Cela passe aussi par le suivi des consignes de
biosécurité.
Un transit vers la Marre aux éléphants |
Naïs : Il n’y a pas vraiment de journée
type à Crozet, on est très dépendants des saisons et de la météo ! Et
également de la phénologie des espèces pour moi. Je passe beaucoup de temps en
dehors de la base sur les différents sites où il y a des cabanes (qui
permettent de séjourner hors de la base).
C’est
la première année qu’il y a un responsable ornitho/mammifères introduits à
Crozet pour la Réserve. L’un des objectifs de mon poste est d’acquérir des
connaissances sur le rat noir, seul mammifère introduit sur l’île de la
Possession, en vue de son éradication à venir en raison de son impact sur les
populations d’oiseaux marins. Je fais notamment de la capture de rats qui sont
alors bagués avant d’être relâchés puis recapturés pour analyser sa densité
sur différents sites.
L’autre
gros volet de mon travail est l’ornithologie : j’assure le suivi d’espèces
non étudiées par l’IPEV, telles que le pétrel plongeur de Géorgie et le canard
d’Eaton afin de connaître leur nombre et leur répartition sur l’île. Je suis
aussi la reproduction des cormorans, sternes, manchots papous et gorfous macaronis
: je vais alors auprès des colonies réparties sur l’île pour compter le nombre
d’individus en train de couver des œufs ou poussins afin d’estimer leur succès
de reproduction et suivre toute mortalité anormale. Enfin, je suis chargée de
travailler sur la limitation de la pollution lumineuse pour éviter les
échouages d’oiseaux marins qui s’orientent par la lune et sont gênés par les
lumières artificielles.
Un couple de cormorans et son comptage aux jumelles
Votre
plus beau souvenir professionnel durant cet hivernage ?
Pierre : J’ai eu la chance avec le Protocole
Atlas de pouvoir aller dans des zones en dehors des transits définis. C’est
rare car ce sont des zones préservées, ayant été très peu fréquentées, mais
cela permet d’étudier la répartition des plantes sur toute l’île. J’ai ainsi pu
bivouaquer, avec deux autres ''manipeurs'', dans le Cirque aux mille couleurs. C’est un
endroit magnifique avec deux cascades qui se déversent dans une rivière.
Naïs : C'est quand je suis arrivée pour la
première fois sur le site du Jardin Japonais près de la cabane de Pointe Basse
après 7h de marche depuis la base. Quand on descend de la cabane vers cet endroit,
on réalise vraiment que l’on vit au milieu d'une nature totalement sauvage.
Au-dessus passent les Grands Albatros, les Pétrels Géants, on traverse la grande
manchotière de manchots royaux, on entend les otaries et les éléphants de
mers qui sont dans les petits étangs au milieu d'une végétation verdoyante, les
cris des albatros fuligineux... C’est un lieu qui donne des frissons !
Le site de Jardin Japonais au Nord-Ouest de l'île |
A deux mois de la fin de votre hivernage qui aura duré quatorze mois, quelles conclusions
tirez-vous de ces activités ?
Pierre : Sans hésiter, de manière générale, la
meilleure prise en compte des thématiques environnementales depuis la création
de la réserve ! Je pense à l’aménagement des transits qui a cadré les
déplacements sur l’île, aux démantèlements de cabanes qui ont réduit l’impact
humain, aux mesures de prévention mises en place pour limiter l’introduction
d’espèces exotiques, à la création de zones de protection intégrales.
Naïs : Je tire un bilan très positif des
nouvelles activités de suivi de la faune qui ont été mises en place cette
année. Je pense en effet essentiel qu’il y ait un travail effectué sur les
mammifères introduits, afin de réduire rapidement leur impact sur la faune et
la flore natives, et sur certaines espèces d’oiseaux qui n’étaient pas suivies
jusqu’à récemment et donc mal connues. En plus de permettre la conservation des
espèces à long terme, ces suivis nous donnent des informations sur les impacts
des changements globaux. Enfin, en complément des actions de conservation, les
activités de biosécurité ont tout leur sens !
Photos de Naïs Avargues et Pierre Agnola.
Merci à eux de s'être prêtés à l'exercice de l'interview!
3 commentaires:
Merci pour cet interview très intéressant !
Vraiment très intéressant ! merci !!!
merci de nous faire voyager aussi loin
Enregistrer un commentaire