Cécile, ornithologue du programme scientifique 109 (ornitho-éco), nous raconte la ''manip otaries'' à la Mare aux Éléphants, effectuée fin mars:
Un beau jour de mars, sur le tableau de la VieCom, apparut une manip, proposée par le programme 109, décrite par ces quelques lignes:
Un beau jour de mars, sur le tableau de la VieCom, apparut une manip, proposée par le programme 109, décrite par ces quelques lignes:
"Du 26 au 30/03 à Pointe Basse, Manip otaries. 2 nuits en bivouac à la MAE. 5 places dispos. Des motivés?"
Attention, avant de vous emparer du stylo et de vous inscrire, sachez que la manip sera physique! Une première journée de 5h30 de transit pour arriver à Pointe Basse et y passer une nuit en cabane. Suivie d'une marche de 3h30 pour rejoindre le site de bivouac à la MAE, chargés de sacs lourds. Deux jours de travail intense et un retour sur base dans la foulée. Alors?
Laissez-moi donc vous présenter la bande d'intrépides et vaillants manipeurs qui ont signé pour ces 5 jours:
Laissez-moi donc vous présenter la bande d'intrépides et vaillants manipeurs qui ont signé pour ces 5 jours:
Tatiana: Rien ne fait peur à cette Andalouse, surtout pas les otaries qu'elle connait bien puisqu'elle les a dressées dans une vie antérieure.
Thierry: ce marin (d'eau douce) a déjà hiverné à Amsterdam, le véritable royaume des otaries. Autant dire que la capture, il maîtrise tous comme les programmes du Thermomix.
Raphaël: lorsqu'il n'est pas en train de blaguer ou de réciter des dialogues de Kaamelott, cet informaticien de renom n'hésite pas à donner de sa personne pour rendre service à la Science.
Christian: des mois et des mois passés à la salle de muscu et un régime draconien à base de poulet ont développé sa force herculéenne qui lui permet de soulever les otaries d'une seule main.
Timothée: c'est l'arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière, arrière grand-père! Ornitho de la mission 50, ventriloque à ses heures perdues, il est capable de repérer un souffle de cétacé à des km. Il enrichit le groupe de son expérience.
Laissez-moi également vous parler du but scientifique de cette manip. Deux espèces d'otaries vivent et se reproduisent sur l'archipel Crozet. L'otarie à fourrure d'Amsterdam (Arctocephalus tropicalis) et celle de Kerguelen (Arctocephalus gazella). Mais revenons un peu en arrière: nous sommes dans les années 1800, la découverte de l'archipel est récente (1772). Matelot à bord d'un navire phoquier, vous êtes ébahi et réjouit par le nombre d'otaries habitant ces îles. Sur le chemin du retour, les cales sont alourdies d'une cargaison précieuse: des peaux par milliers. A peine vingt ans plus tard, les otaries se font déjà très rares, le massacre fût systématique.
Laissez-moi également vous parler du but scientifique de cette manip. Deux espèces d'otaries vivent et se reproduisent sur l'archipel Crozet. L'otarie à fourrure d'Amsterdam (Arctocephalus tropicalis) et celle de Kerguelen (Arctocephalus gazella). Mais revenons un peu en arrière: nous sommes dans les années 1800, la découverte de l'archipel est récente (1772). Matelot à bord d'un navire phoquier, vous êtes ébahi et réjouit par le nombre d'otaries habitant ces îles. Sur le chemin du retour, les cales sont alourdies d'une cargaison précieuse: des peaux par milliers. A peine vingt ans plus tard, les otaries se font déjà très rares, le massacre fût systématique.
Ce n'est qu'en 1978 qu'une colonie d'otarie d'Amsterdam est redécouverte (1881 pour celles de Kerguelen). Depuis, les otaries prospèrent peu à peu sur le pourtour de l'île. Toutes les colonies de l'île sont désormais suivies afin d'étudier la recolonisation de l'île par ces deux espèces.
A la MAE, nous allons capturer et baguer cent petits d'otarie ou ''pups'' pour les intimes (50 de chaque espèce). Les bagues, comportant un numéro unique, permettront si l'individu est recapturé d'avoir des informations sur sa survie, sa croissance, son statut reproducteur, ... . Autant de données qui permettent au laboratoire de Chizé d'étudier précisément la démographie de ces espèces.
Famille d'otaries de Kerguelen à la MAE (Photo: C. Vansteenberghe) |
Pups d'otarie d'Amsterdam |
26 mars: cap à l'Ouest
Océan Indien, Archipel Crozet, île de la Possession, bâtiment de la VieCom, porte du sas biosécu, six personnes déterminées font les dernières vérifications avant le départ:
<< Sac de couchage? Check.
Trousse de secours? Check.
Ciré? Check? >>
Tout le monde semble prêt, il est temps d'informer le Bureau des Communications Radios (BCR) de notre départ:
<< BCR, BCR de manip Otarie sur le 27.
- Oui Cécile, je t'écoute.
- On sort de la base avec Raph, Titi, Tatie, Chris et Tim direction Pointe Basse.
- OK, je vous note, bonne manip!>>
C'est parti pour 5h30 de marche! Au programme, le Mont Branca, l'interminable passage jusqu'à la Grande cascade, la traversée du plateau Jeannel et la descente du 390 pour arriver dans la vallée des Branloires. Vient ensuite le fameux col 600 qui fait chauffer les cuisses puis la descente le long de la Grande coulée avant de finalement apercevoir la cabane. On arrive trempés jusqu'aux os, de l'eau jusqu'en haut des bottes. Tout le monde est soulagé d'entendre le bruit de la bouilloire sur le feu, synonyme d'un chocolat chaud imminent.
Cabane de Pointe Basse, on ne perd pas espoir, les affaires vont bien finir par sécher ... hum |
27 mars: trois gouttes de pluie
Vie en cabane |
Nos sacs fin prêts |
Du pain pour un régiment |
Le levé à 6h30 a fait mal. Les vivres et le matériel de camping préparés la veille sont chargés dans les sacs et il 7h55! On attend la vacation météo qui nous donnera le feu vert pour le départ. 8h00, la radio grésille et le verdict tombe: trois gouttes de pluie! Cela veut dire, de la pluie, encore de la pluie, toujours plus de pluie et l'interdiction de faire le transit. Le départ est repoussé au lendemain.
L'excitation retombe et tout le monde vaque à ses occupations. Jeux de société, lecture, sieste, discussions et cuisine sont au programme. On a la main un peu leste sur le pain et la cabane se transforme en boulangerie.
28 mars: à la manip Otaries tu iras, sacs lourds tu porteras
Départ en manip bien chargés |
Traversée du champ des Albas |
L'heure
de départ a enfin sonné! Et au vue des grimaces qui apparaissent sur
les visages alors que les sacs sont enfilés, l'heure du mal de dos
également. Entre les deux tentes, le matériel de baguage, les vivres et
les effets personnels, nous sommes tous bien au-dessus des 20 kg...
3h30 plus tard, nous sommes à la MAE. Nous installons le campement, en deux temps trois mouvements. Une question persiste: qui ronfle? Une chose est sûre, nous n'aurons pas faim. Pas le temps de trainer, déjà les 50 otaries d'Amsterdam nous attendent, c'est le programme de l'après-midi.
29 mars: branle-bas de combat à la MAE
L'après-midi de la veille a été très formatrice. Chaque personne a choisi un rôle qu'elle a tenu avec brio. Pendant qu'une personne attrape l'otarie, une seconde apporte la planche de mesure. L'otarie est sexuée, mesurée, baguée et pesée. Deux personnes sont constamment chargées de contenir l'individu. Tout est fait pour réduire le temps de manipulation et de ce fait, le stress de l'animal.
Étape 1: capture
Étape 2: contention et mesures
Étape 3: baguage
Étape 4: pesée
Et pendant ce temps: le scribe note toutes les informations!
L'équipe est coordonnée et nous enchainons les baguages. A la différence des otaries d'Amsterdam qui se concentrent sur les plages rocheuses, les otaries de Kerguelen sont réparties dans toutes les zones, cachées entre les grosses touffes de végétation. La capture est plus difficile. Il nous faut la journée pour arriver à bout des 50 individus planifiés. Les muscles se fatiguent: pas facile de soulever à bout de bras cent petits de 13 kg en moyenne!
30 mars: on a réussi!!
30 mars: on a réussi!!
Incroyable mais vrai! Nous plions le camp et retournons lentement vers Pointe Basse. Aurevoir la MAE, aurevoir ...
... les otaries qu'on voit par transparence jouer dans les rouleaux.
... les papous qui reviennent de la mer en petite procession, passer la nuit non loin de notre bivouac.
... les rats, maudits rats, qui dansent la zumba toute la nuit à côté des tentes.
... les visages couverts de boue après une énième glissade.
... les moments où tout le monde s’écarte avec respect en criant: attention, ce n'est PAS un pups!
... les ventre-et-glisses en ciré (plus ou moins volontaires) derrière les pups moqueurs.
31 mars: retour au village
Toutes les bonnes choses ont une fin et il est temps de retrouver la ''civilisation'', si tant est que l'on puisse appeler notre petite base d'irréductibles gaulois ainsi. Le soleil se montre et nous permet un passage au relais 26 pour quelques petites réparations. La vue est à couper le souffle, merci Crozet.
C'est donc une petite équipe soudée qui repart. Fourbue mais heureuse, la tête pleine d'images, de belles gamelles et de rigolades. Autant de moments gravés dans nos mémoires ou griffonnés sur un bout de carnet ''rite in the rain" qui se perdront dans l'océan des souvenirs ou demeureront intacts, tels une bouteille jetée à la mer.
Merci infiniment aux manipeurs pour votre aide!
Rédaction: Cécile Vansteenberghe
Photos: Tatiana Fuentes Rodriguez
Merci à elles pour ce reportage!
4 commentaires:
Bernard de l'Aveyron. Merci pour cet article ainsi que pour les photos. Il m'a particulièrement touché et compte le sauvegarder et le partager. Chapeau à vous tous !
Super compte-rendu de manip ! Ca fait plaisir de voir ces photos en ces temps de confinement en métropole.
Profitez bien de tous ces moments,
Mathieu, Biosol mission 38
Super article, merci de me rappeler ces souvenirs si forts...
Un hivernant de la 53.
Bravo à toute l'équipe et merci pour ces explications accompagnées de photos bien sympas. Profitez bien de ces moments inoubliables.
Françoise (Provence).
Enregistrer un commentaire