vendredi 26 février 2021

Célébration de la Journée Mondiale des Zones Humides

Samedi 20 février 2021, base Alfred Faure : beau soleil, vent inférieur à 15 km/h, un groupe s’en va joyeusement direction le Lac Perdu. Joyeux mais un peu inquiet : les "chefs de manips", Florent Sabatier et Alizé Riou de la Réserve Nationale, échangent sous cape des onomatopées étranges – JMZH,  Ranunculus biternatus - avec des regards lourds de sous-entendus.

2h plus tard, au bord de la rivière de l’Au-delà, ils posent leurs sacs et nous demandent enfin de les écouter. Nous célébrons la JMZH. La Journée Mondiale des Zones Humides bien sûr ! Une présentation de ces habitats avait été réalisée en salle le 2 février auprès des hivernants, et là, plus d’échappatoire possible, nous allions être testés sur le terrain…
 
Alizé et Florent : pli philatélique © A. Matile

 
Le paysage de l’île de la Possession est composé principalement d’anciennes vallées glaciaires devenues zones humides après la fonte des glaces. Les Terres Australes Françaises comprenant l’ensemble des Archipels de Crozet, Kerguelen, Saint Paul et Amsterdam sont d’ailleurs labellisées RAMSAR, une convention reconnaissant l’intérêt écologique et environnemental d’un territoire pour la conservation des zones humides. 
La vallée des branloires, une ancienne vallée glaciaire gorgée de zones humides © G. Choquet

Dans le monde, 50 % de ces habitats ont disparu depuis 1900 et, au cours des quinze dernières années, ils ont encore diminué de 6 %. Alors qu’ils jouent un rôle fondamental, comme le stockage de carbone par exemple.

Comme partout, même si elle demeure extrêmement limitée ici, la menace qui pèse sur les zones humides de l’île est issue de l’activité humaine : piétinement lors des trajets aux quatre points cardinaux de l’île pour les suivis scientifiques, dissémination des espèces végétales introduites, rejet des eaux usées de la base…

Outre sa réglementation limitant l'impact anthropique sur l'île, la Réserve nationale met en oeuvre dans le cadre de son plan de gestion un certain nombre de mesures concrètes, comme par exemple : 

Caillebotis © M. Benoit

 
 
- la pose de caillebotis sur les sentiers, le port de raquettes lors des trajets ou encore l'optimisation de la fréquentation humaine via une application informatique,
 
- la maîtrise, et si possible l'élimination, des espèces végétales introduites,
 
- le renforcement des mesures de biosécurité,
 
- le développement de la recherche botanique (inventaire floristique, cartographie de la distribution des espèces, étude des communuatés végétales),
 
- un chantier pilote, en cours, visant la rénovation de l'assainissement de la base afin de rejeter dans le sol l'eau la plus pure possible grâce à un système de filtration innovant.


 

 

Les enjeux sont posés et nous comprenons l’importance de cette journée.

Au bord de l'Au-delà, nous allons découvrir l'infiniment petit, grâce à de petits objets sortis du sac par Alizé et Florent.

Le groupe au bord de l'Au-delà, avec le Mascarin au loin © F. Sabatier

Nous voilà à quatre pattes pour admirer ce monde plein de grâces et de couleurs que sont les espèces végétales emblématiques de ces habitats. Azorella selago, Lycopodium magellanicum, Acaena magellanica… Nous comprenons enfin ce que cachent ces noms savants : des plantes endémiques des Terres Australes Françaises, que l’on ne retrouve donc nulle part ailleurs dans le monde.

Les apprentis botanistes ont également appris à reconnaître les espèces introduites, qui constituent une problématique de première importance pour la Réserve Naturelle. En effet, l‘inventaire floristique recense aujourd’hui sur l’île de la Possession :

-      18 espèces endémiques

-       67 espèces introduites invasives

Loupe de botaniste © A. Riou
Lycopodium magellanicum, plante native © A. Riou
Acaena magellanica, plante native © A. Riou
Cerastium fontanum, plante invasive © A. Riou

Feuillage du chou de Kerguelen (Pringlea antiscorbuta) © A. Riou
Fructification du chou de Kerguelen visitée par un petit coléoptère © G. Bardon

 
Par un jeu de questions-réponses concocté maison - via une clef d’identification simplifiée - nous apprenons à reconnaître les plantes selon la forme de leur silhouette, leur tige, leurs feuilles… 
Explication de la clef de détermination simplifiée © A. Riou

© F. Sabatier

© F. Sabatier

Le canard d'Eaton (Anas Eatoni), habitant des zones humides de Crozet, aperçu ce jour © A. Riou

Puis au bord du Lac Perdu nous tentons de dessiner les plantes. Cette initiation au croquis est le meilleur moyen d’apprendre à les observer.
 
Le Lac Perdu au loin © F. Sabatier
© M. Benoit
© M. Benoit

Un concours de photos sur le thème des zones humides (faune, flore, paysage) viendra clôre ce week-end cette célébration.
Merci à Florent Sabatier et Alizé Riou, qui ont mis tous leurs talents à l’œuvre pour animer cette journée.
 
 © A. Matile


4 commentaires:

Anonyme a dit…

Une journée de sensibilisation passionnante, à n'en pas douter. Et très utile de surcroît, non seulement pour les hivernants non spécialistes de la question qui à leur retour de Crozet ne verront plus les zones humides sous le même angle, mais également pour nous qui suivons votre blog à des milliers et des milliers de kilomètres de votre archipel. La préservation des zones humides est un enjeu majeur et cet article très bien structuré y contribue. Bravo ! Je suis de plus en plus convaincu que les TAAF ont un rôle important à jouer dans la vulgarisation scientifique au service de la préservation de l'environnement. Contrairement à une idée répandue dans certains milieux, entretenir des bases permanentes sur ces îlots petdus n'est pas une dépense inutile, bien au contraire, car cela protège des territoires extraordinaires que peu de pays peuvent s'enorgueillir de posséder et les remarquables campagnes scientifiques qui s'y enchaînent ont des retombées bénéfiques directes et concrètes pour la métropole.

Continuez à faire vivre ce blog d'aussi belle manière.

Bien cordialement,
Pierre M.

Anonyme a dit…

bonjour,
merci pour ce retour qui montre aussi que l'enjeu de la conservation des zones humides est mondial
magnifiques photos qui par moment me rappellent des ambiances d'Islande
un air de déjà vu, quelque part, y ayant séjourné il y a peu

en attendant d'y retourner peut être, j'irai d'abord revoir les tourbières de Franche comté
Francis

DISCRO a dit…

Bonjour,
Pierre, merci pour votre fidélité et vos encouragements, vous boostez nos motivations !
Et pour Francis : en effet, il y a de si belles tourbières en métropole et celles de Franche-Comté n'ont pas à rougir... quand aux paysages d'Islande, leur féérie est comparable à ceux d'ici, dont les noms poétiques d'ailleurs laissent rêveur.
Bien cordialement

Anonyme a dit…

Félicitations aux organisateurs de cette journée et aux participants
Une naturaliste grand mère mais néanmoins objective!