Quand on pense Terres australes françaises, on pense bien souvent aux
Albatros hurleurs, aux Manchots royaux ou encore aux Eléphants de mer. Mais si
l’on regarde plus près du sol, une végétation silencieuse, timide recouvre
l’île d’un manteau verdoyant puis brunâtre en fin d’été austral.
Coussin d'Azorelle colonisé par de l'Agrostis magellanica |
Avez-vous déjà entendu parler de l’Azorelle (Azorella selago)? Une plante native des terres subantarctiques qui
met deux cents ans pour atteindre un mètre de diamètre, une croissance très lente dans
des milieux hostiles soumis aux aléas environnementaux et au stress hydrique.
L’Azorelle pousse en coussin, stratégie de croissance qui lui permet de retenir
l’eau, de lutter contre l’érosion provoqué par le vent et d’augmenter sa
température.
Imaginez-vous sans aucune possibilité de vous déplacer pour aller chercher ce qu’il vous faut pour vous nourrir… L’Azorelle réussi à pousser sur ses parties mortes, optimisant la matière organique disponible.
Imaginez-vous sans aucune possibilité de vous déplacer pour aller chercher ce qu’il vous faut pour vous nourrir… L’Azorelle réussi à pousser sur ses parties mortes, optimisant la matière organique disponible.
Le plus connu semble être le Choux de Kerguelen, ce dernier malgré son
nom est bien présent à Crozet. Autrefois les marins l’utilisaient pour lutter
contre le Scorbut ce qui lui vaut le nom de Pringlea
antiscorbutica. Ses propriétés médicinales spécifiques à cette maladie ne
sont cependant pas avérées.
Cette espèce est endémique de quelques îles subantarctiques de l’océan
Indien Austral : îles Kerguelen, Heard, Crozet et Marion (Lourteig et
Cour, 1963). Ce qui veut dire que son aire de répartition est limitée à ces
territoires.
Pringlea antiscorbutica colonise "des gammes de milieux variés sur différents substrat allant du littoral exposé aux embruns, jusqu’aux zones d’altitude sur sol minéral. A Crozet, on le trouve depuis le niveau de la mer et jusqu’à 750 mètres d’altitude" (Badenhausser, Chambrin, Le bouvier, 2019).
Pringlea antiscorbutica colonise "des gammes de milieux variés sur différents substrat allant du littoral exposé aux embruns, jusqu’aux zones d’altitude sur sol minéral. A Crozet, on le trouve depuis le niveau de la mer et jusqu’à 750 mètres d’altitude" (Badenhausser, Chambrin, Le bouvier, 2019).
On observe donc une végétation native à croissance lente, peu
compétitrice soumise à rude épreuve avec la présence d’espèces introduites,
plus compétitrices qui colonisent puis uniformisent et appauvrissent les écosystèmes
terrestres austraux.
Pour vous donner une idée, sur l’île de la possession on dénombre 18 espèces natives et 63 espèces introduites (Stratégie de lutte relative aux espèces exotiques végétales des Terres australes françaises 2018-2027, Réserve naturelle des Terres australes Françaises).
Pour vous donner une idée, sur l’île de la possession on dénombre 18 espèces natives et 63 espèces introduites (Stratégie de lutte relative aux espèces exotiques végétales des Terres australes françaises 2018-2027, Réserve naturelle des Terres australes Françaises).
Pour en savoir un peu plus sur la répartition des espèces végétales,
qu’elles soient natives ou introduites, et sur les différents habitats de l’île
de la Possession, un Atlas de la flore a donc été initié par la Réserve Naturelle
des Terres Australes Françaises.
A Crozet, ce protocole standardisé a débuté en 2013 et s’est achevé
cette année. Ce programme permet de répondre à l’objectif à long terme du second
plan de gestion de la réserve : préserver le bon état écologique des écosystèmes
terrestres austraux en renforçant les
connaissances sur les espèces et les écosystèmes dans le périmètre de la
réserve.
Mais concrètement qu’est-ce qu’on veut savoir ?
Ce protocole standardisé consiste à inventorier les espèces végétales
au sein d’un maillage de 500 mètres sur 500 mètres, couvrant la totalité de l’île,
soit 675 mailles. Chaque maille porte un code unique.
Il aura fallu 7 ans de prospection pour couvrir les 150 km2 de
l’île.
Pour chaque maille, on effectue un relevé par habitat dominant. Il est
donc possible d’effectuer plusieurs relevés au sein d’une même maille. On veille à dresser la liste complète
des espèces végétales natives et introduites présentes dans la surface du
relevé (souvent un quadra de 10 mètres sur 10 mètres).
Par exemple, la photo ci-dessous nous montre un habitat de fell fiel mésique,
que l’on rencontre souvent sur l’île de la Possession. ''Les
complexes de fell field sont des habitats souvent exposés ou l’action du vent
et de certaines caractéristiques pédologiques (faible rétention d’eau, faible
teneur en matière organique, érosion) limite le développement des plantes
vasculaires'' (Huntley, 1971).
Habitat de fell field mésique |
Habitat
tourbeux humide colonisé par des espèces natives sur le site de la Grande coulée |
Communauté ouverte à Acaena magellanica, espèce native |
Pour se faire, on complète une fiche terrain sur laquelle, en plus du
relevé de végétation, figurent les paramètres environnementaux du milieu à
savoir la topographie, la surface du sol, la présence ou non de vertébrés, le
gradient d’humidité.
La prospection des mailles se fait pendant la floraison, au moment où
l’on peut identifier correctement les végétaux, soit pendant l’été austral.
Au
sommet du Mascarin, une maille inaccessible perdue dans le brouillard |
Qu’est-ce que cela donne sur le terrain?
Sur ces sept
années, ce sont 8 campagnard.e.s d’été et hivernant.e.s qui ont inventorié 566
mailles (mailles inaccessibles non incluses):
2013-2014 : Mathilde Fontaine
2014-2015 : Suzanne Liegre
2015-2016 : Pierre Thevenin
2016-2017 : France Mercier & Louise Boulangeat
2017-2018 : Cassandra Delamare
2018-2019 : Pierre Agnola
2019-2020 : Pauline Le Hyaric
Un premier janvier 2020 au Cap Vertical |
Ces prospections n’auraient pu se faire sans la présence à leur côté des manipeurs et manipeuses qui affrontent les éléments et marchent des heures de façon à prospecter au mieux les mailles. Merci à celles et ceux qui ont limé leurs bottes et participé à améliorer la connaissance du patrimoine naturel de l’île de la Possession!
Vers la Crête de l'Alouette depuis la Baie américaine |
Sur un plateau tourbeux en vallée de la Hébé |
A terme, toutes ces données figureront dans un Atlas floristique. En ayant une lecture plus précise des différents habitats de l’île de la Possession et une connaissance affinée de la répartition des espèces végétales natives et introduites, les agents de la Réserve naturelle et les scientifiques peuvent orienter des mesures de gestion de façon à préserver le caractère sauvage et fonctionnel de ces écosystèmes uniques.
Rédaction et photos: Pauline Le Hyaric (Agent RN)
Merci à elle pour cet article!
Vue sur la pointe des Moines depuis un site isolé très préservé |
3 commentaires:
Bonjour,
Un grand merci pour cet article vraiment très intéressant et pour le dévouement incroyable de toutes ces "petites mains" sans lesquelles ce travail colossal dedde cartographie botanique n'aurait pu être mené à bien. Il est dommage que tant de nos compatriotes ignorent jusqu'à l'existence des TAAF...
P. Merkling
Merci pour cette découverte, pour ma part ça fait voyager aussi. Bravo à vous !
Alexandra B.
Une grand coup de chapeau à Pauline ! Félicitations pour avoir bouclé le travail et avoir inventorié les mailles les moins évidentes. Ca va faire des belles cartes tout ce travail.
Bises à toute la base et bonne MidWinter ! On continue de bien penser à vous,
Pierre 56
Enregistrer un commentaire