mardi 25 mars 2014

Le programme de recherche sur le Pétrel à menton blanc

Un article scientifico-humoristique de Valentin NIVET-MAZEROLLES - ornithologue du programme 109

Le Pétrel à menton blanc (Procellaria aequinoctialis) est une des nombreuses espèces d’oiseaux marins que l’on retrouve à Crozet. C’est un oiseau ayant une répartition géographique relativement vaste. Il niche pratiquement sur toutes les îles de l’océan austral, des eaux subtropicales aux eaux antarctiques. C’est d’ailleurs l’un des premiers oiseaux que l’on voit suivre le Marion Dufresne durant la rotation pour ce rendre sur les îles subantarctiques françaises.
Photo Valentin NIVET-MAZEROLLES
Ce pétrel possède une envergure de 1,40 m pour un poids moyen de 1,300 kg. Comme son nom l’indique, son menton blanc à la base du bec est caractéristique, cependant la taille de cette « tâche » est très variable selon les individus voir totalement absente dans certains cas. Il se révèle surtout actif la nuit (arrivée et départ de la colonie) mais ce déplace fréquemment en plein jour. Le Pétrel à menton blanc niche sous terre, dans un terrier, avec un couloir d’environ 2 mètres de long débouchant sur la chambre d’incubation, souvent surélevée. Cette configuration permet de créer un microclimat à l’intérieur du terrier (température plus élevée, réduction du vent) et d’être à l’abri des conditions météorologiques difficiles.
Pétrel à menton blanc (PMB) - Photo Valentin NIVET-MAZEROLLES
C’est un plongeur efficace, pouvant aller jusqu’à une dizaine de mètres de profondeur, pour atteindre sa nourriture de prédilection (YAMI !) que sont les céphalopodes et autres crustacés. C’est un oiseau que l’on retrouve fréquemment en train de suivre les bateaux de pêche, pour se nourrir également des restes de poissons rejetés à la mer. Cette interaction est à l’origine du déclin important de la population de Pétrel à menton blanc depuis une quinzaine d’années. On estime à 10 000, le nombre de pétrels tués par an dans l’océan indien à cause de la pêche à la palangre et de ses hameçons dans lesquels ses oiseaux se prennent. Actuellement des mesures de conservation ont étés prises afin de limiter cet impact (matérialiser les lignes avec des banderoles flottantes, lester les lignes …). 
Nous avons la chance d’avoir une colonie de plus de 200 terriers à proximité directe de la base Alfred Faure, que l’ornithologue doit suivre durant toute la saison de reproduction, c'est-à-dire de la ponte du seul et unique œuf du couple (début novembre) à l’envol du poussin (début mai). L’espèce niche également sur toute l’île de la Possession et le nombre de couple reproducteur sur l’ensemble de l’archipel est estimé à 30 000. 

Durant le mois de décembre tous les terriers de la colonie (suivis depuis plus de 40 ans) sont visités afin de connaître l’identité des 2 partenaires du couple qui occupe chaque terrier et de vérifier la présence d’un œuf ou non. Etant donné les mœurs souterraines particulières de l’espèce, une trappe d’accès a été aménagée à la moitié du couloir pour accéder plus facilement à la chambre d’incubation et ainsi contrôler les individus. Pour ce faire l’ornithologue glisse une caméra infrarouge placée au bout d’un tuyau rigide relié à un écran (on appelle ce matériel le Burrowscope)....

Tim, ornithologue de la mission 50 avec le Burrowscope - Photo Valentin NIVET-MAZEROLLES
...dans le but de lire la bague darvik (petite bague en plastique sur laquelle sont gravées des lettres et/ou des chiffre en gros, afin d’être lu de loin, pratique n’est-ce pas ?) de l’individu et ainsi connaître son identité. La bague darvik placée sur la patte droite est toujours associée à une bague métal (patte gauche) qui est la véritable carte d’identité de l’oiseau et permet de retracer son histoire. Tous les oiseaux doivent avoir ses 2 bagues, pour briller en société me direz-vous ? Et bien non Mesdames, simplement pour être identifié et suivi au fil des années d’études, voyons, un peu de sérieux ! Si l’une ou l’autre manque, l’oiseau est sorti pour être bagué.
Photo Valentin NIVET-MAZEROLLES
A la mi-janvier, un nouveau passage est effectué sur la colonie d’étude pour contrôler la présence du poussin, au bout de 60 jours d’incubation par les 2 partenaires, toujours à l’aide du burrowscope (en anglais burrow : terrier). Attention : cet objet de travail ne doit pas être utilisé à des fins maléfiques voir récréatives. Merci. 
Mi-mars, c’est le moment du baguage des poussins de Pétrel à menton blanc. Tous les terriers qui contenaient un œuf sont visités une nouvelle fois et le poussin est alors sorti de son terrier de naissance pour être bagué par l’ornithologue assisté d’une personne. 

Caroline, du programme 394 et un poussin PMB - Photo Robin CRISTOFARI
Photo Robin CRISTOFARI
Cette étape a été réalisée il y a seulement quelques jours, juste avant l’arrivée du Marion (OP1). Nous avons eu la bonne surprise de découvrir un Pétrel noir (Pterodroma macroptera macroptera) dans un terrier de Pétrel à menton blanc.
Valentin, ornithologue de la mission 51, avec un Pétrel Noir - Photo Robin CRISTOFARI
Ce petit pétrel a un cycle de reproduction bien différent de celui de son cousin à menton blanc, puisqu’il pond son œuf en plein hiver !!!

Voilà vous en savez un peu plus sur une des tâches effectuées par l’ornithologue et ses « manipeurs de l’extrême », en espérant que cet article vous aura détendu et pas forcément donné envie de vous construire une maison troglodyte pour bénéficier de tous les avantages cités ci-dessus.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Super l'article Mister'Val, dommage que tu ne sois pas en photo.
Ah si ? tu y es ??
Ahhhh ouiiiii, la dernière ??
J'ai bien failli ne pas te reconnaitre ;)

Bravo Monsieur le passionné !!!