mardi 10 décembre 2019

La reproduction des manchots royaux (2/6) : les parades et le cantonnement


Alors que certains sont encore en train de finir leur mue qui précède la période de reproduction, et d’autres, plus précoces ont déjà pondu leur œuf (étape 3), une partie des manchots royaux de la Baie du Marin est actuellement en phase de parade et de cantonnement.
Lors des parades, phase de séduction dans la recherche de leur futur partenaire, les manchots exhibent leurs tâches auriculaires et leur plaque mandibulaire (située au niveau du bec) dans une démarche spécifique à cette période.



 
Il s’agit pour eux de se montrer sous leur plus beau jour mais également d’afficher leur ‘‘qualité individuelle’’. En effet, d’après des études scientifiques, il existerait une corrélation entre l’intensité de la couleur orange des tâches avec l’état de santé de l’oiseau : par exemple, plus la couleur orange est intense, moins le manchot aurait de parasites et plus son statut immunitaire serait performant. Par ailleurs, la qualité du plumage indique également l’état de forme du manchot en raison de l’aspect énergivore de ce processus de formation de plumes. S’il est donc essentiellement visuel, le moment des parades peut cependant également être accompagné de chants dits ''de cour'' qui permettent de sceller le couple.


Manchots royaux ''cantonnés'' après la phase de parade en Baie du Marin. 


Une fois le couple formé, débute la période dite de cantonnement. Le couple se place alors sur un territoire d’environ un mètre carré qu’il va défendre ‘‘bec et ailerons’’ ! 



C’est une phase stressante, propice à l’agressivité entre individus, les manchots devenant alors territoriaux pour garder cet espace où ils couveront à tour de rôle leur œuf et qu’ils occuperont jusqu’à l’émancipation de leur poussin dans quelques mois. Au total le cycle de reproduction dure plus d’un an et en conséquence les partenaires d’un couple qui ont élevé leur poussin avec succès et qui avaient commencé leur reproduction en décembre l’année dernière ne pourraient initier un nouveau cycle cette année qu’en janvier. En conséquence, une année donnée un manchot peut être soit reproducteur précoce soit reproducteur tardif selon le succès reproducteur de l’année précédente et il peut y avoir plusieurs semaines de différence entre les premiers et les derniers à initier une reproduction. Enfin, les reproducteurs tardifs ont un succès reproducteur bien plus faible que les reproducteurs précoces.


Afin de mieux comprendre cette stratégie de reproduction, les manchologues du programme 119 « ECONERGIE » de l’IPEV sélectionnent et marquent  ainsi, au moment de l’étape 2, un certain nombre de couples de manchots précoces et de manchots tardifs. Cette étude va se poursuivre pendant plusieurs années. L’objectif de ce suivi est double : d’une part, déterminer si la qualité, la condition corporelle des oiseaux précoces est meilleure que celle des oiseaux tardifs et définir si les deux cohortes de « précoces » et de « tardifs » sont constitués en moyenne d’oiseaux de même âge (étant entendu que des oiseaux âgés et très jeunes ont potentiellement un succès reproducteur plus faible que celui de reproducteurs d’âge intermédiaire) et d’autre part, étudier l’incidence des conditions environnementales (pression de prédation, disponibilité alimentaire en mer) sur le succès reproducteur des individus précoces et tardifs, notamment dans un contexte de changements globaux qui affectent la planète Terre en général et ces zones australes en particulier.

Pour se faire, les manchots adultes sélectionnés dans le programme, ainsi que leur futur poussin, seront suivis jusqu’au départ vers l’océan de ces derniers, d’ici décembre l’année prochaine.
  
Merci à Jean-Patrice Robin, Responsable du Programme 119 de l'IPEV, pour sa participation à la rédaction de cet article. 
Photos et vidéos de B. Rico et A. Dupont

Article précédent: la mue (1/6)

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