vendredi 26 mai 2017

Orques - une interview très éclairante

Dans ces deux derniers articles sur les orques de Crozet (ici et), nous vous présentions quelques problématiques liées à ces exceptionnels mammifères marins. Pour compléter ces informations, nous vous faisons partager une interview très éclairante de Christophe GUINET, ce spécialiste des orques de Crozet et Kerguelen. Celle-ci se trouve en lien ci-dessous :


Photo : Patrick FONTOIN (Mission 51)

Dans cet entretien, le chercheur raconte la genèse et l'approfondissement de ce programme de recherches, revenant sur le braconnage dont ont été massivement et sont encore probablement victimes les orques de Crozet. Il répond notamment à la question d'un commentateur sur la taille de la population actuelle.

"Nous avons ainsi pu montrer que pendant les 5 à 6 années où le braconnage était intense, l’effectif de la population d’orques de Crozet a diminué de moitié, passant d’environ 180 à 90 individus en quelques années. Nous avons de très fortes présomptions que les orques qui interagissaient avec les navires de pêches illégaux étaient pris pour cible et que de très nombreux individus ont ainsi été tués. Dès l’arrêt de la pêche illégale, la population d’orques s’est stabilisée. Les effectifs de cette population sont restés inchangés depuis."

Photo : Patrick FONTOIN (Mission 51)



Grâce aux recherches sur le phénomène de déprédation, les habitudes et aptitudes de ce mammifère ont été progressivement mieux connues : c'est ainsi qu'il a été établi que les orques se nourrissaient déjà, avant même l'arrivée de la pêcherie à la palangre, de goûteuses légines.

"Les orques sont connus pour être « très conservateurs » dans leurs habitudes alimentaires et l’adoption d’un nouveau type de proie est un processus lent chez cette espèce. Cependant, nous pensions à l’époque que les légines vivaient trop profondément pour pouvoir être naturellement pêchées par les orques qui n’étaient pas supposées plonger au-delà de 300-400 m. Depuis, la pose de balises nous a appris que ces animaux étaient en mesure de plonger beaucoup plus profondément et donc accéder naturellement à cette proie."

Photo : mission 50

Les programmes en cours sont très bien expliqués et permettent de bien comprendre les travaux des deux scientifiques que nous vous présentions lors du dernier article sur le sujet :

"Faut-il protéger le poisson lors de la remontée des lignes ou aussi lorsque les lignes sont en pêche ? Pour étudier ces questions nous avons développé une ligne expérimentale dans laquelle des hameçons seront équipés d’accéléromètres. A partir de ces données, nous déterminerons le moment où le poisson mord à l’hameçon, meurt et à quel moment et quelle profondeur il est décroché par un cétacé. Les données obtenues par la ligne expérimentale permettront, d’une part, d’optimiser les opérations de pêche en déterminant la durée optimale de mise à l’eau de la ligne et d’autre part, de mieux comprendre le processus de déprédation afin de proposer des solutions adaptées. Par ailleurs, nous évaluerons la susceptibilité des différents navires/capitaines de pêche à être détecter acoustiquement et par conséquent trouvés par les orques et les cachalots en mettant en œuvre une ligne d’hydrophone. Nous testerons à titre expérimental différents systèmes visant à protéger la légine sur la ligne."
 
Photo : mission 50

Nous avions justement reçus ces jeunes chercheurs quelques jours pour qu'ils puissent faire la maintenance de cette ligne expérimentale. Espérons que ces programmes permettront à leur tour de valider leurs hypothèses !

3 commentaires:

Isabelle12558 a dit…

Article très intéressant et qui nous en apprend encore beaucoup.

Par contre, cela n'a pas dû être facile d'interviewer des orques....!mdr

Moulin (l'autre branche) a dit…

Bonjour,

Merci pour cet interview très intéressante qui enlève des idées reçues. En effet, tout le monde s'accorde encore aujourd'hui pour croire que les orques ne plongeaient qu'à 400m et c'est d'ailleurs ce qui permettait aux cachalots de prendre la fuite lorsqu'il y avait confrontation. Encore des idées reçues battues en brèche! vive la science. En tout cas je suis impatient de savoir si le programme va marcher et que les solutions vont être trouvées.
En tot cas les orques sont des bêtes merveilleuses (même si nous n'avons pas pu les voir à Crozet mais à Amsterdam lors de l'OP1 2017).
En espérant que l'hiver austral n'est pas trop dur, nous pensons à vous qui êtes resté.
Bon courage et encore merci de nous transmettre de si belles images et de si beaux récits du bout du monde

DISCRO a dit…

Merci pour vos commentaires.

Oui, les orques souffrent d'idées reçues, comme par exemple celle de leur dangerosité - on les appelle "baleines tueuses" en anglais alors qu'on ne dénombre pas d'attaque en milieu naturel.

Ne vous inquiétez pas pour nous : le vent souffle fort en ce moment, mais les paysages enneigés sont magiques !