Le Manchot royal (Aptenodytes patagonicus)
Le Manchot royal est le deuxième plus grand manchot au monde, après son cousin empereur, vivant en Antarctique (85 à 95 cm de haut pour 9 à 15 kg de muscles et de gras !). Puisqu’il vit bien loin des australes, vous ne risquez pas de tomber sur ce dernier mais s’il vous venait à l’idée de les comparer, vous remarqueriez que le Manchot empereur possède des plumes aux pattes ! Le Manchot royal possède quant à lui une tâche auriculaire orange vif s’étendant de l’arrière des yeux au-devant de leur cou et le bas de leur bec, appelé plaque mandibulaire, est également orange. La femelle est généralement un peu plus petite que le mâle, avec un bec légèrement plus court et un chant plus saccadé. Les poussins quant à eux ont un bec noir et leur duvet, totalement marron, leur vaut le surnom de « kiwis ». C’est une espèce qui peut vivre une vingtaine d’années en moyenne et jusqu’à 26 ans [2].
Cycle de vie –
Le cycle de reproduction du Manchot royal se déroule sur 18 mois. Les oiseaux, revenant de mer à partir de septembre pour muer, changeront ainsi tout leur plumage mais aussi leur plaque mandibulaire. Ainsi parés de leur plus beau pennage, ils peuvent commencer à parader et trouver leur partenaire de reproduction pour la saison. Une fois cela fait, ils vont choisir un joli petit coin au sein de la colonie, se cantonner, puis pondre un œuf unique que mâle et femelle couveront tour à tour directement sur leurs pattes, sous un repli de peau appelé poche incubatrice. Le mâle étant le premier à couver après la ponte, il jeûnera ainsi plusieurs semaines puisqu’il ne sera pas retourné se nourrir en mer après sa mue.
L’incubation dure environ 55 jours et l’éclosion peut prendre 2 à 3 jours. Le poussin restera au chaud sous la poche de ses parents pendant encore 35 jours avant de commencer à acquérir du duvet, lui permettant de résister au froid. À partir de ce moment il va se regrouper en crèche avec d’autres poussins.
Les parents vont passer de plus en plus de temps en mer et ne reviendront pour nourrir leur poussin que tous les quelques jours voire mois pendant l’hiver. Suite au jeûne provoqué par le départ de ses parents, en Novembre, le poussin va commencer à muer et donc obtenir son plumage d’adulte… ou presque ! Sa tâche auriculaire sera jaune pâle pendant encore 3 ans avant de devenir du même bel orange que les adultes. C’est donc au bout de 10 mois que les poussins partent en mer pour la première fois.
Colonie –
Les royaux ne font pas de nid mais se reproduisent au sein de grandes colonies pouvant comporter des milliers d’individus ; on compte 24 000 couples reproducteurs en Baie du Marin, sur l’île de la Possession par exemple, et on ne parle ici que des couples ! Ils choisissent des plages voire des vallées proches de plages abritées des vents dominants pour installer leurs quartiers. S’ils vivent proches d’autres manchots, ce n’est pas parce qu’ils aiment la proximité mais c’est pour se protéger au mieux des prédateurs. En effet on trouvera un à deux couveurs par mètre carré dans une colonie, rarement plus.
Comportement –
Deux stratégies de reproduction existent chez le Manchot royal et la ponte peut ainsi s’étaler sur 4 mois, voilà pourquoi nous parlons de reproducteurs précoces (‘early’) pour ceux qui se reproduisent tôt dans l’année VS reproducteurs tardifs (‘late’) pour ceux se reproduisant plus tard. Il est d’ailleurs observé que les poussins nés plus tardivement sont généralement plus petits et survivent moins durant les premières semaines de leur vie. Ils grossissent en revanche plus vite.
Le cycle de reproduction s’étalant sur plus d’une année complète, en fin d’année les poussins d’un an et les adultes paradant, voire déjà en reproduction, sont observés ensemble au sein de la colonie.
Pour se retrouver au sein de milliers de manchots tous plus semblables et bruyants les uns que les autres (sans parler du bruit du vent, des vagues, des éléphants de mer…), parents et poussins se reconnaissent au chant. En réalité, les poussins sont habitués à entendre et reconnaitre la signature vocale de leurs parents avant même l’éclosion puisque, quelques jours avant cela, les adultes commencent à chanter régulièrement.
Mais le chant sert de nombreuses autres causes chez le Manchot royal. Il permet de donner des informations sur le sexe du chanteur, d’attirer le sexe opposé lors de la reproduction, d’aider les partenaires d’un même couple à se reconnaître, de menacer les voisins trop insistants et d’empêcher la consanguinité. Et ce n’est pas tout ! En mer, il leur sert aussi à communiquer sur les meilleurs coins de pêche de la zone [3] !
Alimentation –
Les proies principales des Manchots royaux sont les poissons-lanternes mais ils se nourrissent également de céphalopodes et d’autres poissons. Ils peuvent aller chercher ces derniers entre 100 et 200 mètres de profondeur, ce qui est encore bien en-dessous de leur record de plongée puisqu’ils sont capables de descendre jusqu’à 440 mètres de profondeur. Ils suivent généralement le front polaire antarctique pour chasser, allant parfois jusqu’à 400 km de leur lieu de reproduction. La durée des plongées peut atteindre 10 minutes et ils peuvent en effectuer plus de 100 par jour.
Gauche : Manchot Royal ; Droite : Manchot Papou (Aquarelle Alexandre Vong) |
Rédactrice : Celine Bocquet, manchologue, hivernante et résidente permanente en Baie du Marin , Tour operator BUS via Chaloupe / IPEV programme 119
[1] Vianna et al., 2020, Genome-wide analyses reveal drivers of penguin diversification
[2] Bost et al., 2012, King penguin (Aptenodytes patagonicus).
[3] Jouventin & Dobson, 2018, Why Penguin communicates - The evolution of visual and vocal signals.
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